Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Puget prît Bernin pour son égal ? Il est au moins permis d’en douter. J’aime mieux croire que la reconnaissance parlait seule dans cette occasion. S’il eût été pleinement convaincu de ce qu’il affirmait, il n’eût pas fait son Milon.

Sans doute, pour étudier le talent de Puget, il vaudrait mieux avoir sous les yeux toutes les œuvres de ce maître illustre. Cependant celles que nous possédons à Paris et qui sont réunies dans une salle du Louvre suffisent amplement à la discussion. Ce qui nous manque, soumis à l’analyse la plus sévère, ne modifierait pas nos conclusions. Cependant je m’étonne que l’administration, qui a fait mouler à grands frais la belle cheminée de Bruges, très digne assurément d’un tel honneur, n’ait pas encore songé à faire mouler les œuvres de Puget qui décorent les églises de Gènes. Le Saint Sébastien, l’Alessandro Sauli, l’Assomption de la Vierge, mériteraient, à coup sûr, de figurer au Louvre, entre le Milon et l’Andromède. Je crois même devoir ajouter que ces morceaux ont plus d’importance que les caryatides de Toulon qu’on a pris soin de mouler. La cheminée de Bruges est une excellente acquisition ; le Saint Sébastien, l’Alessandro Sauli, l’Assomption de la Vierge, offriraient aux statuaires un sujet d’étude plus sérieux et plus fécond ; car il y a dans ces trois ouvrages une grandeur, une sévérité de style que nous retrouvons, il est vrai, dans les morceaux placés au Louvre, mais qui se révèlent, je crois, d’une manière plus évidente à Sainte-Marie de Carignan, à l’albergo de’ Poveri, que dans la salle du Louvre baptisée du nom de Puget. Le moulage de ces compositions serait donc de l’argent bien placé. Il serait plus facile encore et non moins utile assurément de mouler la Peste de Milan, bas-relief placé aujourd’hui dans le bureau de la santé à Marseille. À ne considérer que les lois générales du bas-relief, il est très vrai que la Peste de Milan n’apprend rien à ceux qui connaissent Alexandre et Diogène ; mais, comme le sujet est d’une nature toute différente, il est évident que la Peste de Milan nous montrerait le talent de Puget, sinon sous un aspect absolument nouveau, du moins sous un aspect très digne d’attention : la Peste de Milan représente, dans la vie de Puget, une période aussi importante que le Milon. Dans le bas-relief comme dans le groupe nous trouvons l’expression de la souffrance, et certes la comparaison de ces deux ouvrages ne serait pas sans profit.

Le bon sens conseillerait, je crois, de compléter cette collection déjà si précieuse par quelques morceaux d’architecture. Personne n’ignore en effet que Puget a laissé à Toulon et à Marseille des preuves mémorables de son talent d’architecte. Il a interprété à sa manière les grandes traditions de l’art romain. Pourquoi ne réunirait-on pas dans la salle qui porte son nom les modèles des édifices qu’il a construits dans ces