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pour reconnaître qu’une part considérable a été faite aux institutions nouvelles, à l’esprit de la révolution de 1789, aux événemens qui l’ont suivie. Résulte-t-il d’ailleurs de ces changemens que l’état n’ait plus aucune sûreté à prendre et puisse sans danger laisser le champ libre à l’église ? Rome se montre-t-elle partout fidèle à la même doctrine ? Ne la voit-on pas stipuler en Espagne le règne exclusif du catholicisme, en Piémont défendre les juridictions ecclésiastiques, en Angleterre partager le territoire entre ses diocèses ? Est-il quelqu’un qui ose affirmer qu’elle saura toujours résister à l’esprit d’envahissement qui l’a plus d’une fois fait sortir de ses voies ? Est-il quelqu’un qui ose affirmer que jamais aucun de ses décrets ne sera contraire au droit public de la France, que jamais aucun de ses délégués ne commettra d’empiétement, que jamais les doctrines ultramontaines n’y trouveront d’écho ? La France est plus intéressée qu’aucun autre état à se défendre contre ces invasions ; elle a conquis par de longs labeurs, au prix de plusieurs révolutions et de son sang le plus généreux, les grands principes sur lesquels reposent la dignité de l’homme et la liberté des croyances ; elle ne peut les laisser exposés aux atteintes de leurs antagonistes. Elle compte dans ses annales des souvenirs dont elle est fière à juste titre, et qui soulèvent ailleurs des plaintes amères : les laissera-t-elle flétrir dans des actes qui se couvriraient de l’autorité de l’église ? Elle a inscrit dans ses lois des doctrines qui forment sa religion civile : les laissera-t-elle combattre du haut de la chaire pontificale ? Liberté pleine pour les opinions individuelles : la vérité éclatera par la discussion ; mais résistance aux pensées hostiles à notre régime nouveau, qui se placeraient sous le patronage de la tiare.

Les articles organiques, qui ont donné le sceau légal aux libertés anciennes de l’église gallicane, sont une arme que l’état pourrait employer au besoin pour sa défense, mais qu’il laisse dans le fourreau tant qu’il n’est pas contraint à l’en faire sortir. Dans cette législation, il n’est rien qui rappelle les anciennes et mémorables luttes de l’église et des parlemens, et si quelqu’un commet un anachronisme, ce sont ceux qui se refusent à voir la réserve, la modération, qui caractérisent la conduite actuelle du pouvoir civil à l’égard du pouvoir spirituel.

Ce n’est pas avec plus de raison qu’on attaque les dispositions qui soumettent à la permission expresse du gouvernement les conciles nationaux ou métropolitains et les autres assemblées délibérantes du clergé. La nécessité de cette permission a été reconnue de tout temps. C’était autrefois un principe du droit public, qu’aucune assemblée ne pouvait se tenir, si elle n’était autorisée par le gouvernement. Même sous un régime de liberté, qui permet aux citoyens de se réunir pour délibérer sur leurs intérêts privés, pour émettre des vœux ou pour se livrer à des manifestations politiques, le principe de l’autorisation