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couteaux, douze fourchettes, vingt chapeaux, cinq barils de bœuf, cinq barils de porc, dix barils de biscuit, douze carafes, douze gobelets de verre et cinquante souliers;

« Pour toujours cédons et abandonnons les terres ci-dessus décrites à Robert T. Stockton et Eli Ayres, afin qu’ils puissent les posséder et les consacrer à l’usage desdits citoyens américains.

« Ont signé :

« Capitaine R.-T. Stockton,

« Eli Ayres, docteur-médecin[1]. »

Enfin, après plusieurs tentatives infructueuses, après de cruels désappointemens, le traité étant scellé et ratifié, la Société de colonisation fut mise en possession d’un territoire convenable et, ce qui était encore plus important, d’un lieu salubre pour y former un établissement. Les pauvres colons originaires, qui, d’abord installés à l’île de Sherbro, se trouvaient alors à la baie de Tourra, furent transportés à leur résidence définitive. Des dangers et des obstacles de toute nature accueillirent leurs premiers efforts; mais ils en triomphèrent à force de courage et de persévérance, et le 25 avril 1822 le pavillon américain flotta sur le cap Mesurado.

La première année de l’établissement fut marquée par une attaque furieuse des populations environnantes qui n’avaient pas approuvé la cession faite par les rois signataires du traité du 15 décembre. L’agent de la Société de colonisation, M. Ashmun, sauva la colonie naissante par son intelligence et son courage, puis il alla aux îles du Cap-Vert rétablir sa santé, détruite par des fatigues inouïes, et revint en août 1824 avec le révérend docteur Gurley, qui avait mission de régler quelques différends et de constater la position de la colonie. Le révérend docteur Gurley apporta la nouvelle que l’établissement de la Société américaine prendrait désormais le nom de Libéria, qui rappelait son origine et son but, et que la ville fondée au cap Mesurado prendrait celui de Monrovia, en l’honneur de M. Monroë, président des États-Unis, qui avait toujours montré la plus vive sympathie pour la Société de colonisation et les émigrans.

Des progrès de quelque importance se firent remarquer à partir de 1824. On bâtit à Monrovia des maisons en pierre, un petit fort armé de six canons, des chapelles, des écoles, un hôpital. On commença à cultiver les terres, on lit de nouvelles acquisitions de territoires négociées avec les chefs indigènes qui commandaient sur les bords de la rivière Saint-Paul, et l’arrivée de nouveaux émigrans permit de fonder une seconde ville, qui prit le nom de Caldwell, en l’honneur du promoteur du premier meeting convoqué dès 1816 à Washington. En 1828, M. Ashmun, épuisé par ses travaux, quitta Libéria et mourut peu de jours après son arrivée aux États-Unis; il fut enterré à Newhaven, où la Société de colonisation lui fit élever un monument.

Depuis quelque temps déjà, on avait monté une imprimerie à Monrovia; Jean-Baptiste Russwurm fit paraître, en 1829, le premier journal sous le titre de Libéria Herald. Cette publication fut accueillie avec un grand intérêt aux

  1. Les chefs nègres avaient apposé une croix pour signature en regard des noms de MM. Stockton et Ayres.