Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/989

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur première nature pour s’animer d’une vie nouvelle : ils ont commencé à exister comme des faits plastiques, comme des assemblages de lignes, de formes et de couleurs harmoniquement constituées en un compacte accord. Et par exemple il y a toute une série de qualités, — et elles sont le principal caractère des morceaux choisis de la peinture moderne, — qui résultent des propriétés en quelque sorte mécaniques que les couleurs doivent à leur mélange avec l’huile. L’amalgame étant donné, la brosse savante et inspirée utilise les moyens qu’il offre, et elle en tire les mérites éminens qui ont noms : transparence, profondeur, netteté, solidité ; car ces mérites ont là leur source aussi bien que l’éclat et la richesse de ton. Ces possibilités de l’huile n’étaient qu’en partie soupçonnées par les inventeurs du nouveau procédé et par les premiers peintres qui l’ont employé. C’est chez les Hollandais des XVIe et XVIIe siècles que nous les voyons le mieux comprises et le plus généralement mises à profit. Si les toiles de ces maîtres sont si estimées, c’est parce qu’elles ont à un haut degré, pour les connaisseurs, les qualités propres qui sortent de ces données. De fait, elles représentent le type du genre, avec les conditions que le genre entraîne, entre autres la petitesse du cadre. Quand le but du peintre est d’assembler des tons suivant un certain rhythme, il est nécessaire que les divers élémens du tableau ne soient pas trop éloignés l’un de l’autre, afin que l’œil puisse facilement retrouver la loi du rhythme, comme l’oreille suit le motif d’une composition musicale. Non-seulement un petit cadre répond à cette exigence, il laisse encore la liberté de mettre en jeu maintes ressources de palette et de brosse qui, dans un sujet de style sévère, seraient ou des contre-sens ou des impossibilités. Tandis que la seule nécessité de remplir une large page oblige à écrire péniblement et en détail chaque partie du sujet, le peintre qui s’étend moins peut l’expliquer par une simple indication, et, avec moins d’efforts, il garde mieux dans ses touches la délicatesse et l’éclat d’un premier jet.

Il n’est que naturel de conclure de là qu’une école comme l’école anglaise, avec l’attention qu’elle a long-temps donnée aux procédés et aux effets, doit avoir à citer plus d’une heureuse tentative de cette nature. Et en effet nous en avons remarqué plusieurs d’une valeur élevée, par MM. Davis, Callow, Provis, Raven, Goodall, Pritchett, et plusieurs autres, entre lesquels se distingue une femme, miss Rayner. Si M. F.-D. Hardy n’est pas dans cette liste, c’est que nous lui devions une mention à part, comme à un homme hors ligne parmi ses pairs. Ses trois peintures de cette année pourraient rivaliser avec les chefs-d’œuvre de l’école hollandaise.

Après avoir passé en revue la peinture à l’huile, il nous reste peu de mots à ajouter sur la sculpture ; mais, avant d’y arriver, nous voudrions payer notre tribut d’admiration à un déploiement extraordinaire de