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D’autres améliorations ont été récemment apportées à la condition des émigrans. Les Irlandais qui affluaient à Liverpool, avant de prendre la mer, étaient à chaque pas exploités par de prétendus courtiers qui leur enlevaient, en frais de commissions et d’embarquement, jusqu’à leur dernier penny. Dès 1818, les commissaires de l’émigration songèrent à remédier à cet abus en établissant à Liverpool et à Birkenhead une sorte de dépôt ou de maison de refuge où les passagers pussent attendre le moment du départ et recevoir, sans frais, toutes les indications nécessaires. Après un mûr examen, ils estimèrent que le gouvernement ne devait point prendre à sa charge une institution de cette nature, et ils firent appel à l’initiative de la spéculation. En 1850, un Allemand, M. Sabell, a fait élever à Liverpool un vaste édifice qui peut contenir plusieurs centaines d’émigrans ; un établissement semblable est destiné aux émigrans catholiques ; enfin les administrateurs du dock de Liverpool ont sollicité l’autorisation de consacrer au même but une portion de leur capital. C’est une idée heureuse qui ne tardera pas à se généraliser.

On se préoccupe également d’abréger autant que possible la durée des traversées en substituant à la navigation à voiles l’emploi des steamers. Il en résulterait de grands avantages pour la santé des émigrans et peut-être une diminution de dépenses. Maintenant le prix du passage de Liverpool à New-York à bord des navires à voiles est de 4 livres sterling 10 shillings (112 fr. 50 cent.). L’obligation d’emporter des vivres pour soixante-dix jours élève naturellement le taux du fret. Un acte promulgué en 1851 a réduit cette obligation à quarante jours pour les bateaux à vapeur. L’économie est importante, car chaque navire emmène ordinairement un grand nombre de passagers.

Ces faits expliquent les progrès si remarquables de l’émigration anglaise à destination des États-Unis. Le nombre des passagers qui ont quitté la Grande-Bretagne en 1851 et en 1852 dépasse encore la moyenne des années antérieures. Quelle force humaine, quelle loi pourrait arrêter ces Argonautes de la misère ou de l’industrie auxquels l’Amérique offre généreusement l’entrée facile de ses ports et l’hospitalité de ses vastes plaines ?


II. — L’ÉMIGRATION ALLEMANDE ET BELGE.

Sur le continent européen, c’est l’Allemagne qui envoie aux États-Unis le plus grand nombre d’émigrans. La Prusse, la Bavière, le Wurtemberg, le grand-duché de Bade, le duché de Nassau, voient partir chaque année des milliers de familles qui s’expatrient au-delà des mers et qui se rencontrent sur l’autre rive de l’Océan avec l’émigration britannique.

Quel besoin, quel sentiment, quelle idée pousse la race allemande à ces exils volontaires dont le mouvement, depuis 1815, a suivi de jour en jour une progression plus rapide ? L’Allemagne n’est point, comme l’Irlande, un pays de misère ; il n’y a pas chez elle excédant de population ; il ne parait pas que le capital disponible soit insuffisant pour occuper tous les bras ; les Allemands ne possèdent point de colonies qui les provoquent aux lointains voyages, et la mer ne baigne qu’une étroite lisière de leur territoire. Comment donc une nation qui occupe l’intérieur du continent, et que ses mœurs, sa physionomie,