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nombre des journaux alla en diminuant, et leur existence devint tout-à-fait précaire. Une page empruntée à la récente Histoire d’Angleterre de M. Macaulay montrera quelle était à cette époque la situation des journaux.


« En 1685, il n’existait et ne pouvait exister rien de pareil à nos journaux quotidiens. On n’eût trouve ni le capital ni le talent nécessaires. La liberté manquait également, condition aussi essentielle que le talent et le capital. La presse pourtant n’était pas à ce moment soumise à une censure générale. La loi sur la censure, votée peu de temps après la restauration, était expirée depuis 1679. Chacun pouvait donc à ses risques et périls imprimer, sans l’autorisation préalable d’un fonctionnaire public, une histoire, un sermon ou un poème; mais les juges étaient unanimement d’avis que cette liberté ne s’étendait pas aux gazettes, et que, d’après la loi commune de l’Angleterre, personne n’avait le droit de publier des nouvelles politiques sans l’autorisation de la couronne. Tant que le parti whig fut formidable, le gouvernement crut utile comme mesure de circonstance de fermer les yeux sur la violation de cette règle. Pendant la grande lutte du bill d’exclusion, on laissa paraître plusiers journaux: le Protestant Intelligencer, le Current Intelligencer, le Domestic Intelligencer, les True News, le London Mercury. Aucun de ces journaux ne paraissait plus de deux fois par semaine; aucun ne dépassait en étendue une petite feuille simple. La quantité des matières que l’un d’eux publiait dans une année ne dépassait pas celle qu’on trouve souvent dans deux numéros du Times. Après la défaite des whigs, le roi n’eut plus besoin de montrer la même réserve dans l’exercice d’une prérogative que tous les juges de la couronne avaient déclarée être incontestable. A la fin de son règne, aucun journal n’avait permission de paraître sans son autorisation, et cette autorisation était accordée exclusivement à la Gazette de Londres. Celle-ci ne paraissait que les mardis et les jeudis. Elle contenait en général une proclamation royale, deux ou trois adresses au roi par des tories, deux ou trois promotions, le compte-rendu de quelque escarmouche sur le Danube entre les troupes impériales et les janissaires, le signalement de quelque voleur de grand chemin, l’annonce d’un grand combat de coqs entre deux personnes de qualité, et une annonce promettant une récompense pour le retour d’un chien égaré. Le tout faisait deux pages de grandeur moyenne. Tout ce qu’on avançait sur les sujets du plus haut intérêt était rédigé de la façon la plus sèche et la plus formaliste. Quelquefois cependant, quand le gouvernement était en humeur de satisfaire la curiosité publique sur une affaire importante, on publiait un placard qui donnait plus de détails qu’on n’en trouvait dans la Gazette; mais ni la Gazette ni les placards supplémentaires publiés officiellement ne contenaient jamais une nouvelle qu’il ne convînt pas à la cour de faire connaître. Les débats parlementaires et les procès d’état les plus importans dont fasse mention notre histoire étaient passés sous un profond silence. Dans la capitale, les cafés tenaient jusqu’à un certain point lieu de journal. C’est là que les habitans de Londres couraient en foule, comme jadis les Athéniens à la place du marché, pour savoir les nouvelles du jour.... Mais les personnes qui vivaient à distance du théâtre principal des luttes