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aux journaux, qui en diminua singulièrement le nombre, qui restreignit leur liberté, qui les persécuta même, assura en réalité l’existence, de la presse anglaise en donnant à quelques feuilles une consécration officielle et une publicité lucrative. L’un des premiers actes du nouveau gouvernement fut d’interdire la publication des débats du parlement. Un ordre du conseil privé enleva à Nedham la rédaction du Mercure politique qu’il dirigeait depuis dix ans, transforma ce journal en Mercure public et Nouvelliste du parlement, et autorisa deux écrivains, Henri Muddiman et Giles Dury, à le faire paraître sous ce titre. On voit tout de suite quels droits l’autorité royale s’arrogeait sur les journaux. Muddiman et Dury firent place en 1663 à sir Roger Lestrange. Fils d’un grand propriétaire du comté de Norfolk, érudit, poète et soldat, Lestrange avait mené l’existence la plus aventureuse. Il avait combattu vaillamment pour la cause royale ; pris et condamné à mort par les parlementaires, il avait dû la vie et la liberté à un hasard singulier ; l’un des derniers à poser les armes, il avait été un des premiers à trouver grâce devant Cromwell, et il avait donné le spectacle d’un ancien cavalier fort bien en cour sous le protecteur. Lestrange avait quitté alors l’épée pour la plume et s’était fait journaliste : il prit goût à ce nouveau métier, et le continua sous la restauration. Devenu propriétaire de l’ancien journal de Nedham, Lestrange en changea encore une fois le titre, et le fit paraître deux fois par semaine sous deux noms différens : le lundi c’était le Public Intelligencer, le jeudi c’étaient les News. Cela dura ainsi dix-huit mois ou deux ans ; en 1665, Lestrange renonça à son journal sur la demande de la cour. Charles II voulait avoir en Angleterre le pendant de la Gazette de France, et à partir du 7 novembre 1666 parut, à Oxford d’abord, puis à Londres même, la Gazette de Londres, qui se publiait deux fois la semaine, les lundis et jeudis, mais en une demi-feuille in-folio. La Gazette de Londres fut une feuille officielle, placée sous la direction spéciale d’un sous-secrétaire d’état et rédigée par des écrivains à son choix. Elle s’est continuée sans interruption jusqu’à nos jours, et c’est dans ses colonnes que se font encore les publications officielles. Roger Lestrange reçut pour dédommagement les fonctions de censeur, et se mit à traduire l’historien Josèphe, ainsi qu’une partie de Sénèque et de Cicéron.

Malgré le patronage accordé par la cour au journal de Lestrange, malgré la publication de la Gazette de Londres, il existait encore un certain nombre de feuilles indépendantes, et si les journaux ne pouvaient plus publier les débats du parlement, ils continuaient à s’occuper de politique. Ainsi on voit en 1679 ce même Lestrange, tout censeur qu’il était, reprendre la plume et publier l’Observateur pour défendre la cour, qu’on accusait d’incliner au catholicisme ; mais le