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congrès sur le transport des étrangers remonte à 1819. La plus récente, en date du 17 mai 1848, contient des prescriptions analogues à celles qui ont été édictées par les lois européennes : comme elles s’appliquent indistinctement à tous les navires, étrangers ou américains, elles suffiraient à réprimer les abus, alors même que l’Angleterre, la Belgique et les ports des villes anséatiques n’auraient point, de leur côté, promulgué les règlemens que l’humanité réclamait.

Quant aux ressources et aux moyens d’existence des immigrans qui arrivent aux États-Unis, le congrès a laissé aux états intéressés le soin de fixer les conditions auxquelles ceux-ci entendent subordonner le droit de débarquer sur leur territoire. Dans le Massachusetts, le capitaine du navire doit acquitter une somme de 2 dollars (10 francs 74 cent.) par passager ; dans l’état de New-York, cette sorte de capitation n’est que de 1 dollar (5 francs 37 cent.). En outre, « les commissaires spéciaux sont tenus d’inspecter tout navire qui arrive dans le port, et si parmi les passagers ils trouvent un fou, un idiot, un sourd, un muet, un aveugle ou un infirme n’appartenant à aucune des familles immigrantes, ils doivent dresser un rapport par suite duquel le capitaine, assisté de deux cautions, s’engage à payer, pour chaque passager invalide, une amende de 300 dollars (1611 fr.), destinée à indemniser l’état des frais et charges d’entretien de ce passager pendant cinq ans[1]. » Le produit des capitations et des amendes est consacré au remboursement des dépenses faites par le budget des villes, à la fondation et à l’entretien d’édifices publics, d’hôpitaux, de maisons de refuge et de travail administrés par les commissaires de l’émigration. Cet impôt était d’ailleurs devenu indispensable, car la législature du Massachusetts a calculé que de 1837 à 1848 elle avait dû dépenser, en frais de secours pour les étrangers, près de 4 millions de francs. Il en était de même dans les autres états. À New-York, les recettes du fonds d’immigration se sont élevées en 1850 à 380,094 dollars et les dépenses à 369,560 dollars, au moyen desquels plus de 50,000 passagers, formant environ le quart des arrivages, ont été secourus sous diverses formes. Les commissions spéciales instituées dans les divers états du littoral ont exercé partout l’influence la plus heureuse ; elles introduisent chaque année de nouvelles améliorations dans le service important qui leur est confié. Récemment encore, celle de New-York a fondé une sorte de bureau de placement (intelligence office and labor exchange), où les immigrans peuvent, dès leur arrivée, connaître les fermes et les ateliers qui leur procureront immédiatement du travail.

Le travail est très abondant aux États-Unis ; cependant, là comme ailleurs, il faut que l’étranger se familiarise avec les mœurs et les habitudes de sa nouvelle patrie ; il faut qu’il prenne le temps de choisir la résidence et la profession qui conviennent le mieux à ses facultés ou à ses goûts. Un grand nombre d’immigrans, après un séjour de quelques semaines dans les villes du littoral, vont grossir l’armée de pionniers qui perce les savanes et défriche les forêts dans la direction du far-west. Les voici en pleine nature vierge, au milieu d’im-

  1. Dans l’état du Massachusetts, cette amende s’élève à 1,000 dollars (5,370 fr.) en vertu d’une loi rendue en 1850.