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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/125

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L’ÉMIGRATION EUROPÉENNE DANS LE NOUVEAU-MONDE

suite des premiers arrivages, attestent que les jeunes femmes ainsi expédiées ont été très bien accueillies, et elles expriment le désir de voir cette importation se continuer. Pendant l’année 1850, quatre cent neuf émigrantes ont quitté l’Angleterre aux frais de la société. Ce ne sont pas seulement les hommes les plus distingués des trois royaumes qui patronent cette œuvre intéressante à tant de titres : les membres du gouvernement tiennent à honneur de siéger dans le comité ; les plus nobles ladies prêtent à la société le concours de leur charité délicate, et ne dédaignent pas de remplir avec zèle les modestes fonctions de matrones.

Il ne suffit pas cependant de développer l’émigration par tous les procédés, par tous les expédiens que suggèrent la prévoyance de la politique ou les inspirations de la charité sociale ; il faut encore préparer l’établissement des colons qui débarquent sur un sol inconnu, organiser la propriété et le travail, constituer même un gouvernement plus ou moins libéral qui donne confiance aux intérêts, et qui accorde satisfaction aux exigences légitimes de la raison humaine. Cette seconde partie de l’œuvre n’est pas moins importante que la première, car elle renferme la solution définitive du problème. Combien d’entreprises ont échoué, parce que les gouvernemens, préoccupés seulement du départ, n’apercevaient pas ou négligeaient d’aplanir les obstacles qui devaient naturellement arrêter les colons dès leur arrivée dans une nouvelle patrie ! À ce point de vue, la politique coloniale de la Grande-Bretagne au cap de Bonne-Espérance et en Australie est pleine d’enseignemens.

Lorsque, en 1814, les Anglais prirent possession du Cap, ils y trouvèrent une population hollandaise déjà nombreuse et prospère ; mais le sol occupé par la culture était encore assez restreint. Depuis trente ans, la conquête européenne a fait d’immenses progrès, et, malgré les sacrifices momentanés qu’impose à la Grande-Bretagne la guerre des Cafres, l’avenir présente les plus brillantes perspectives. C’est principalement vers le district de Natal que se portent aujourd’hui les efforts de la colonisation, et c’est là surtout qu’il y a profit à les étudier. Dès la fin du XVIIe siècle, les Hollandais avaient apprécié les ressources de ce territoire, qui, séparé de l’Afrique centrale par de hautes chaînes de montagnes, descend vers l’Océan Indien, exposant aux prises rafraîchissantes de la mer la vigoureuse végétation de ses forêts et la verdure de ses vastes pâturages. La douceur du climat, l’abondance des cours d’eau, la fertilité du sol, contrastent avec l’aridité des régions voisines. Ce n’est plus le soleil brûlant de l’Afrique, ce ne sont plus les mobiles tourbillons de sables qui, dans la partie occidentale de la colonie, se soulèvent avec violence au vent du Cap des tempêtes : c’est une nature paisible et gracieuse, où l’Européen s’accoutume dès le premier jour et retrouve, unis à la fécondité des zones tropicales, les avantages hygiéniques des zones tempérées. Les tentatives des Hollandais ne réussirent pas cependant à y fonder un établissement durable : les communications par terre avec la ville du Cap étaient périlleuses, et les tourmentes qui rendent si difficile en tout temps la navigation du banc des Aiguilles opposaient de continuels obstacles aux communications maritimes. La Hollande se borna à proclamer son droit de souveraineté sur le territoire de Natal, qui passa, en 1814, au même titre que la colonie du Cap, sous la domination britannique. À partir de cette époque, Natal fut exploré par de