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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/124

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REVUE DES DEUX MONDES.

Il y a intérêt à approfondir le mécanisme de cette institution que dirigent M. Sydney Herbert, membre du parlement, et le comte de Shaftesbury (lord Ashley). Les émigrans doivent payer au moins les deux tiers de leur passage ; le reste leur est prêté par la société, envers laquelle ils s’engagent à se libérer deux ans au plus après leur arrivée dans la colonie. En remboursant ce prêt, ils peuvent désigner un parent ou un ami auquel ils désirent que la société accorde le même avantage. Toute personne transportée sur les navires de l’association doit accepter le prêt d’une somme quelconque, afin qu’il y ait égalité parfaite entre les passagers. Au moyen de versemens successifs, hebdomadaires ou mensuels, effectués en Angleterre ou dans les colonies, les membres d’une même famille peuvent réunir peu à peu les sommes nécessaires à leur émigration, et la société se charge de recevoir et de conserver ces dépôts. Le prix du passage ne dépasse pas 12 liv. sterl. 10 sh. par adulte, et 6 liv. sterl. 6 sh. Pour les enfans au-dessous de quatorze ans. Les frais d’administration sont couverts par une contribution de 1 shilling versée avant l’embarquement, et par le paiement ultérieur d’une somme de 10 shillings exigible au moment où l’émigrant établi déjà dans la colonie acquitte le dernier terme de l’emprunt qu’il a contracté pour son passage. La société dont nous venons de résumer les principaux statuts est utile surtout aux cultivateurs qui ne sont pas assez pauvres pour avoir droit à l’assistance de l’état, et qui cependant ne sont pas assez riches pour faire face à toutes les dépenses d’un long voyage ; elle répond ainsi aux besoins d’une classe très nombreuse qui fournira à l’Australie d’excellens colons.

On retrouve M. Sydney Herbert et lord Ashley à la tête d’une société qui s’est établie à Londres, vers la fin de 1849, pour encourager l’émigration des femmes. En Angleterre, le nombre des femmes l’emporte dans les statistiques du recensement sur celui des hommes ; le fait contraire se produit aux colonies. Il y a donc tout profit à niveler de part et d’autre la proportion des sexes ; mais ce qui a surtout déterminé la création du fund for promoting female emigration, c’est la pensée charitable d’arracher à la misère et à la démoralisation une des classes les plus intéressantes de la population ouvrière de Londres[1]. À l’aide de souscriptions particulières qui, dès la première année, se sont élevées à 22,540 livres sterling (562,500 francs), on est parvenu à organiser un système complet qui ramasse en quelque sorte l’ouvrière dans les rues de la capitale et la transporte aux colonies. Les émigrantes sont, avant leur embarquement, recueillies dans une maison commune, construite à Hatton-Garden par la société des amis des travailleurs (Labourer’s friend Society), qui fait chaque jour tant de bien en multipliant les maisons ouvrières (lodging-houses). Le jour du départ, elles sont conduites à bord du navire par des surveillantes qui les accompagnent pendant la traversée. Au port de destination, elles sont reçues par les agens de la commission d’émigration, par les évêques, par tous les fonctionnaires, qui s’empressent de les placer avantageusement. Les lettres écrites des colonies, à la

  1. On comptait à Londres, en 1849,33,500 femmes employées dans l’industrie de la confection des vêtemens. Sur ce nombre, 28,500 étaient âgées de moins de vingt ans ; leur salaires variait entre 25 et 45 centimes par jour.