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Il faut rendre cette justice au prince Louis-Napoléon, que, par un de ces instincts infaillibles des esprits qui ont vécu long-temps sous l’empire d’une même idée, seul peut-être il ne s’est point mépris sur les destinées nouvelles faites à son nom par la révolution de 1848. Il n’en doutait pas lorsque, dès le 25 février, il faisait acte de présence à Paris, dans ce foyer encore incandescent. Il en doutait moins encore lorsque, trois mois plus tard, il écrivait ces lettres dont on se souvient, où il disait que, si le peuple lui imposait des devoirs, il saurait les remplir. Les fortes têtes républicaines hésitaient sur le point de savoir s’il fallait rire ou se fâcher, d’autres traitaient la chose de peu d’importance ; ni les uns ni les autres ne voulaient voir que la France était un pays en peine qui cherchait une force, un appui, un nom, un levier en un mot pour se tirer du gouffre. Le prince Louis-Napoléon a eu deux souverains mérites dans une époque comme la nôtre : il a eu foi en lui, et il a voulu. Il a voulu, — dans un temps où la volonté des hommes flotte entre tous les objets sans parvenir à se fixer ; il a fait bien plus : il a agi, — dans un pays qui ne hait rien tant que de se sauver lui-même. C’est tout cela qui explique la marche ascendante qu’a suivie la fortune du prince Louis-Napoléon ; c’est tout cela qui explique encore les manifestations dont il est l’objet aujourd’hui dans son voyage à travers les départemens du midi. Que voient les populations dans le chef actuel de l’état ? Elles voient en lui l’ordre, la paix intérieure, le raffermissement des intérêts, la sauvegarde de leur foyer et de leur travail. À chaque pas qu’il a fait, on a pu le remarquer, le prince Louis-Napoléon n’a point négUgé ces communications avec la masse du pays. Il en est de même aujourd’hui, à la veille peut-être d’une transformation nouvelle du pouvoir qu’il est facile de pressentir sans avoir le don de prophétie. Tel est le sens évident du voyage que fait en ce moment le chef de l’état. « Lorsqu’il s’agit de l’intérêt général, disait récemment le prince-président à Nevers, je m’efforce toujours de devancer l’opinion publique ; mais je la suis lorsqu’il s’agit d’un intérêt qui peut sembler personnel. » Quelques jours plus tard, il ajoutait à Lyon : « La prudence et le patriotisme exigent que, dans de semblables momens, la nation se recueille avant de fixer ses destinées, et il est encore pour moi difficile de savoir sous quel nom je puis rendre les plus grands services. » Le discours prononcé à Lyon par le prince Louis-Napoléon est certainement une des expressions les plus nettes et les plus fortes de la situation actuelle : il reporte sans effort au consulat. Comment se fait-il que d’odieuses passions viennent ajouter encore à la ressemblance des deux époques par la préméditation des mêmes attentats ? Nous voulons parler, on le conçoit, de cette découverte qui vient d’être faite d’une machine infernale, — jeu sanglant du crime que nous avons vu se produire si souvent depuis 1830, et qui laisse voir à de tristes profondeurs, à travers l’éclat des fêtes, le ravage des propagandes révolutionnaires ! Le prince Louis-Napoléon n’en continue pas moins son excursion : il est en ce moment à Toulon ; dans quelques jours, il sera à Toulouse et à Bordeaux. Ce sont partout les mêmes réceptions, où ne se laisse désormais distinguer qu’un seul cri d’une signification de plus en plus nette. Les faits, on le voit, ont une puissance irrésistible. Chaque jour nous rapproche maintenant davantage d’une transformation définitive des choses. C’est aux populations de répondre à la question