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REVUE. — CHRONIQUE.

ceux de l’église de Constantinople. En principe, l’église russe reconnaît la validité du baptême par affusion, et dans la pratique elle a toujours montré la plus parfaite tolérance. Ainsi, par exemple, elle ne rebaptise point les chrétiens des autres communions qui entrent dans son sein ; elle se borne à recevoir leur profession de foi et à leur administrer sans retard la confirmation. Provoqué par la déclaration du synode de Constantinople, qui condamne formellement le baptême par affusion, et qui ordonne de rebaptiser les affusionnés qui se convertissent, le métropolitain de Moscou, le vénérable Philarète, a adressé d’abord une demande d’explication à Constantinople. Récemment enfin, il a fait parvenir au patriarche un ensemble de documens extraits des archives de Saint-Pétersbourg, qui témoignent hautement en faveur des doctrines et des pratiques de l’église russe. Des catholiques zélés ont cru voir dans cette controverse, jusqu’à ce jour d’ailleurs très pacifique, le prélude d’une vaste discussion qui pourrait amener au sein de l’église russe une crise pareille à celle qui déchire, depuis quelques années, l’église anglicane. Le débat n’a pas ce caractère. Il ne peut avoir pour effet que de mettre mieux en lumière la supériorité dogmatique et pratique des théologiens russes sur ceux de Constantinople, et de faire prévaloir les doctrines et les usages si tolérans des uns contre les théories et les habitudes exclusives des autres. Quant à supposer à l’église russe un désir quelconque de renouer avec l’église latine les liens brisés par le schisme, il faudrait, pour se permettre une telle hypothèse, ignorer profondément la situation intellectuelle et politique des peuples de l’Europe orientale ; il faudrait ne plus se rappeler que l’une des principales raisons de l’isolement actuel des Polonais au milieu de ces peuples, c’est leur latinisme, qui les a rendus suspects à tous ; il faudrait, en un mot, oublier que la force principale de la nation russe, au-dedans et au-dehors, dérive de sa foi religieuse, et que son influence dans le présent, son rôle encore plus grand dans l’avenir, en dépendent.

Nous parlions récemment des complications nouvelles qui se sont élevées sur les bords de la Plata. Comme on sait, un congrès général était sur le point de se réunir, et des décisions de ce congrès devait sortir une organisation nouvelle de la République Argentine. Pendant que ces efforts se poursuivent pour organiser enfin ce pays en révolution, il vient de paraître en Amérique un essai remarquable qui a trait à ces questions, et qui a pour titre : Bases de l’organisation politique de la République Argentine. L’auteur, M. Alberdi, est un Argentin distingué, depuis long-temps réfugié au Chili, où il jouit d’une sérieuse estime comme publiciste et comme jurisconsulte. Le livre de M. Alberdi est une analyse intelligente et instructive des élémens confus de la vie américaine, des mœurs, des tendances, des essais constitutionnels des diverses républiques espagnoles. L’auteur cherche les points d’appui possibles pour un gouvernement durable, et ces bases, il ne les trouve naturellement que dans le développement des intérêts, dans tout ce qui peut créer une vie réelle à la place de l’agitation stérile qui se produit à la surface de ces pays. Attirer les émigrations, favoriser l’industrie intérieure, stimuler l’essor du commerce, protéger le travail, c’est là la politique vraie et féconde pour l’Amérique du Sud. Le livre de M. Alberdi abonde en vues pratiques sur ces matières et en conseils utiles. Il est seulement une chose qu’il ne faut point oublier, c’est qu’à côté de la civilisation matérielle,