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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

maison de Hanovre n’existaient plus. Cette expédition aventureuse de Charles-Edouard, qui tient dans les inventions des romanciers une place beaucoup plus grande que dans l’histoire réelle, en avait démontré l’irrémédiable impuissance, et depuis, le prétendant avait enlevé à sa cause les dernières espérances et le prestige suprême par les tristes désordres où il noyait avec rage les malheurs de sa destinée. George III était bien et définitivement le seul roi d’Angleterre. George Ier et George II avaient pu considérer par momens la couronne britannique comme un usufruit, comme une aubaine passagère ; George III la recevait comme un héritage sans compétiteur. En lui, la maison de Hanovre avait pris racine par trois générations sur le sol anglais. Une légitimité s’était reconstruite sur sa tête. Trois forces arrivaient a George III de cette situation : d’abord une force morale et personnelle, celle qu’il devait puiser dans l’idée du titre supérieur de son autorité royale et dans le sentiment de la complète sécurité de sa couronne ; en second lieu, un accroissement d’influence dans le pays par le ralliement des tories et des jacobites, naturellement favorables au pouvoir monarchique ; enfin une plus grande indépendance vis-à-vis du parti qui avait, depuis la révolution de 1688, prêté et fait payer son appui à la nouvelle dynastie. George III pouvait s’émanciper de la tutelle exercée depuis cinquante ans par le parti whig sur la royauté.

Le parti whig était arrivé en effet au pouvoir à l’avènement de la maison de Hanovre et ne l’avait plus quitté. Ses principes et ses intérêts le liaient à la fortune de la nouvelle dynastie, et l’existence de la nouvelle dynastie était unie par le même nœud à la prépondérance des whigs. Si, d’une part, la succession protestante, comme on disait en Angleterre au XVIIIe siècle, n’avait point prévalu, le parti whig, et avec lui le principe de la royauté limitée par les droits de la représentation du pays, eût été vaincu. Si, de l’autre côté, le parti whig n’eût point été le plus fort, les princes hanovriens eussent été bientôt forcés de décamper dans cet électoral vers lequel ils ne cessèrent, durant deux règnes, de tourner leurs regards inquiets. La maison de Hanovre n’eut donc de force jusqu’à George III que par le parti qui avait amoindri le pouvoir royal, en abattant la royauté de droit divin et en grandissant les privilèges parlementaires. C’est, du reste, travestir l’imposante situation des whigs à cette époque que de les appeler un parti. Leur drapeau couvrait la masse intelligente et vivante de la nation, tous les esprits fermement attachés au protestantisme, tous les hommes dévoués à la liberté, toute la classe industrielle et commerçante, et la grande majorité de l’aristocratie. En dehors d’eux, il n’y avait sous le nom de tories que quelques personnalités brillantes, mais isolées, et sous le nom de jacobites qu’une portion des classes agricoles arriérée et inerte, comme le sont en tout temps et en tout