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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/326

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REVUE DES DEUX MONDES.

et du Hanovre ! Sous ces ombrages symétriques qu’on dirait taillés par Le Nôtre, que d’héroïnes charmantes ont soupiré, que de gracieuses pastorales ont eu lieu ! que de romanesques aventures, d’églogues et de tragédies se sont passées dans ces immenses châteaux désormais inhabités et confiés à la garde héréditaire d’une famille de serviteurs qui se transmettent de père en fils, pour la raconter à l’étranger, l’histoire de ces personnages si divers dont les portraits couvrent les murailles, remplissent les vestibules, encombrent les greniers ! Ces vieux châteaux de la Saxe galante et du Hanovre électoral, ces gothiques palais, mornes et silencieux au dehors, féeriques au dedans, avec leurs lambris d’or massif, leurs tentures de brocard, leurs lourdes portières de tapisserie, quel étrange et fantasque spectacle ne deviennent-ils pas pour nous, quand nous les contemplons du milieu du siècle où nous vivons ! La tragédie s’y confond avec la pastorale ; à chaque porte heurte l’intrigue ; le long des corridors à demi éclairés, l’amour mène sa sarabande, non point le véritable amour, mais son spectre, traînant à sa suite une muse de circonstance déguisée en Flore mythologique. Comme ils pirouettent sur leurs talons rouges, ces Tyrcis et ces Mélibées ! comme elles s’en donnent à cœur joie, ces brûlantes évaporées ! Et pendant ce temps, à l’endroit le plus isolé du splendide manoir, là-haut, derrière ces rideaux où tremble la clarté d’une lampe, un cœur languit, une ame souffre.

L’ancien duc de Cumberland, le feu roi de Hanovre Ernest-Auguste, père du souverain actuel, aimait beaucoup à faire aux étrangers les honneurs historiques de sa résidence. Cet octogénaire couronné, à l’épaisse moustache blanche, au corps toujours militairement boutonné dans son uniforme de hussard, était au fond un esprit fort lettré, en matière d’histoire surtout, et qui, dès qu’il abordait le chapitre des aïeux, ne restait jamais à court d’anecdotes piquantes et de traits malins. La première fois qu’il vous faisait l’honneur de vous adresser la parole, c’était pour vous demander si vous aviez vu dans la galerie du château de Herrenhausen le portrait de l’électrice Sophie-Dorothée, fille du duc George-Guillaume de Lünebourg-Celle et de la jolie comtesse d’Olbreuse, cette infortunée et charmante princesse à qui sa distinction personnelle, ses grâces exquises, sa légèreté française, hélas ! et son esprit ont valu et presque mérité le sort de Marie Stuart, son aïeule. Le lendemain, sa majesté vous interrogeait sur son grand-aïeul Ernest-Auguste, dont elle portait le nom, et qui fut le premier électeur de Hanovre, comme lui, duc de Cumberland, en était le premier roi. Un profond et rusé politique, celui-là, qui, non content d’avoir troqué sa crosse d’évéque d’Osnabrûck contre la couronne de duc de Hanovre, plaça plus tard sa couronne ducale sur le chapeau électoral, et, si la mort ne l’eût arrêté dans ses brigues infatigables,