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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/394

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REVUE DES DEUX MONDES.

corps germanique, comme avec la dignité de l’état fondateur du Zollverein.

Voilà où en est la grande affaire qui, depuis le traité de septembre 1851, occupe l’Allemagne. Si l’on se demande laquelle des deux parties qui se trouvent en présence aurait le plus à perdre à la dissolution du Zollverein, on reconnaîtra peut-être que ce n’est pas le nord. À l’appui de notre opinion, nous pouvons citer le jugement d’un des économistes les plus distingués de l’Allemagne, M. Rau, professeur à Heidelberg. « La partie de l’Allemagne qui se trouverait le plus lésée, dit M. Rau, serait évidemment la partie méridionale, qui, séparée de la mer, n’aurait de communications avec les côtes que par la voie du Rhin, et qui serait assujettie aux conditions de la surveillance de l’union du nord. Cette union pourrait facilement admettre des vins français et des tabacs américains avec des droits moindres de douane ; les pays situés sur les bords de l’Oder, de l’Elbe et du Weser pourraient chercher pour les produits de leur industrie les marchés d’outre-mer, tandis que le midi de l’Allemagne n’aurait pas la même ressource… L’Allemagne méridionale, obligée de s’unir avec l’Autriche, devrait adopter l’organisation de cet empire. Une pareille union aurait des avantages pour certaines industries, et fournirait le moyen de remplacer une partie des produits du nord tels que les tissus de laine et les marchandises en fer ou en acier ; mais en général il n’y aurait pas pour le midi une compensation complète aux avantages que le Zollverein lui avait donnés. Cette partie de l’Allemagne n’aurait que Trieste pour seule voie de communication avec la mer ; d’ailleurs l’Autriche, la Bavière, le Wurtemberg et les autres états de l’Allemagne méridionale diffèrent trop peu comme pays producteurs pour pouvoir tirer les uns des autres les produits qui leur font défaut. »

Il n’est pas impossible que tôt ou tard on voie se réaliser l’idée d’une union douanière de la partie centrale de l’Europe ; mais il faudra d’abord que la civilisation très arriérée encore des pays de la couronne d’Autriche soit plus en harmonie avec celle du reste de l’Allemagne, et, dans ce cas, il serait de l’intérêt de l’Europe de fortifier la puissance de la Prusse en proportion des progrès de l’Allemagne méridionale, afin d’empêcher l’Autriche d’exercer une influence prépondérante dans toutes les affaires germaniques. L’histoire rendra pleine justice aux efforts des hommes d’état autrichiens qui cherchent à introduire des réformes utiles dans leur pays, et il faut espérer que ces hommes auront la satisfaction de voir eux-mêmes leur œuvre porter des fruits ; mais il convient aussi de rappeler aux partisans trop impatiens de la prépondérance autrichienne que tout progrès ne peut se réaliser qu’en son temps, et qu’il n’est permis à personne de méconnaître cette loi de l’humanité.


Dr Bamberg.