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du disciple chéri de Socrate. On saisirait, si on l’osait sans profanation, entre la philosophie chrétienne des premiers siècles et la muse de l’Académie toute la ressemblance de port et de traits qui peut exister entre un enfant du ciel et une créature de la terre. Elle ne s’avance point avec la majesté didactique qu’aura la maîtresse sévère des écoles du moyen-âge ; sa marche n’a rien de précis : elle suit librement les contours du texte sacré ; tantôt son vol s’élève jusqu’au sein brûlant de l’Être absolu et éternel, tantôt elle redescend sur la terre pour y cueillir une fleur de poésie et d’éloquence. Elle se pare volontiers de vêtemens allégoriques. À la pureté de l’épouse du Christ elle joint la grâce d’une fille d’Athènes et la splendeur d’une prêtresse d’Orient.

Voilà déjà une philosophie et une politique chrétiennes et catholiques assurément l’une et l’autre, et qui n’ont rien de commun avec les types arbitraires qu’on se plaît à nous tracer. Elles sont nées toutes deux de l’alliance intelligente de l’esprit chrétien et de la civilisation antique. Est-ce que les arts et la littérature de ce temps n’offriraient pas le même spectacle ? L’embarras de M. l’abbé Gaume nous a déjà répondu. L’éloquence et la poésie des pères du IVe siècle contrarient beaucoup l’auteur systématique du Ver rongeur. Tant de vestiges de l’étude de l’antiquité s’y retrouvent avec une telle abondance de sève chrétienne, qu’il y a là un démenti constant donné à l’antagonisme irréconciliable qu’on veut établir entre la forme profane et l’inspiration chrétienne de l’art. M. l’abbé Gaume ne sait aussi trop quel parti prendre à leur égard. Quand il ose, il les déclare, nous l’avouons, païens par la forme. Est-il pressé vigoureusement sur une si étrange assertion par la logique serrée de Mgr l’évêque d’Orléans, il recule, il se rétracte ; il a voulu simplement dire que les pères du IVe siècle employaient les formes païennes pour se faire comprendre d’une génération corrompue, tout en les détestant sincèrement, et en songeant même à fonder une latinité, probablement aussi un hellénisme nouveaux, pour éviter la contagion qui des mots s’étend aux idées. Nous tirerons, si nous pouvons, M. l’abbé Gaume de peine. Non, saint Augustin, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile ne sont des païens ni par le fond ni par la forme. Ils sont des Romains de l’empire, et voilà tout. Ils sont de leur religion d’abord, de leur temps et de leur pays ensuite. Ce fut le secret de leur autorité sur leurs contemporains. C’est le caractère que portent les monumens de la littérature dont ils sont les modèles. Cette littérature a toute la sainteté du christianisme ; mais elle a aussi les qualités, et quelques-uns même des défauts de la société romaine en décadence. Elle a les fortes et fraîches inspirations de l’Évangile ; elle a les délicatesses et parfois les subtilités de goût naturelles à une langue un peu vieillie. On sent dans les panégyriques de saint Grégoire l’élève d’Isocrate et aussi parfois le rhéteur des écoles affectées d’Athènes. Il y a