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BEAUMARCHAIS, SA VIE ET SON TEMPS.

paternelle avait des liens de parenté avec des familles plus relevées qu’elle ; toujours est-il que son père naquit dans un état pauvre et obscur.

Très jeune encore, André-Charles Caron s’engagea dans le régiment de dragons de Rochepierre sous le nom de Caron d’Ailly ; après un temps de service qui dut être très court, il obtint, pour je ne sais quelle cause, un congé définitif le 5 février 1721. Il vint s’établir à Paris pour y étudier l’art de l’horlogerie, et, un mois après son arrivée, il abjura le calvinisme, ainsi qu’il résulte d’un certificat du cardinal de Noailles que j’ai entre les mains, et qui est précédé d’une déclaration ainsi conçue :

« Le 7 mars 1721, j’ai prononcé mon abjuration de l’hérésie de Calvin à Paris, dans l’église des Nouvelles-Catholiques.

« Signé : André-Charles Caron. »

Beaumarchais est donc né catholique, d’un père protestant rentré dans le sein du catholicisme ; mais le souvenir de la religion de ses ancêtres n’a pas été étranger peut-être à quelques-uns de ses instincts d’opposition, et il peut expliquer du moins le zèle qu’on le verra déployer dans toutes les questions qui intéressent les protestans.

Un an après son abjuration, André-Charles Caron adressa une requête au roi en conseil d’état, à l’effet d’être reçu maître horloger, bien qu’il n’eût pas le temps voulu d’apprentissage chez un maître. Dans cette requête, le suppliant fait valoir son abjuration à l’appui de sa demande, ce qui semble indiquer qu’à cette époque la qualité de catholique était exigée, même pour la profession d’horloger<ref>Je vois en effet, dans les pièces justificatives de l’ouvrage de M. Coquerel, que le certificat de catholicisme avait fini par être exigé pour l’admission dans toutes les corporations d’artisans.<ref>. On en pourrait induire quelques doutes sur le désintéressement de l’abjuration du père de Beaumarchais ; mais ces doutes s’évanouissent en présence de ses lettres intimes, où on le voit animé d’une ferveur sincère et pratique, et conservant toujours certaines habitudes de langage biblique et austère qu’il tenait peut-être de sa première croyance.

Quatre mois après avoir été reçu maître horloger, le 13 juillet 1722, André-Charles Caron épousa Marie-Louise Pichon, dont le père, sur l’acte de mariage, est qualifié bourgeois de Paris. C’était une excellente personne, mais d’un esprit assez ordinaire, à en juger par quelques-uns de nos documens. Quant au père Caron, sa correspondance le montre sous l’aspect d’un homme très supérieur à son état : à la vérité, l’horlogerie est le premier des arts mécaniques par ses rapports avec les sciences exactes ; mais l’horloger Caron s’était donné une instruction scientifique au-dessus de l’instruction ordinaire d’un hor-