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rajeuni par le christianisme; mais il n’en reçut pas le don de l’immortalité. La religion chrétienne prolongea ses jours; elle ne le sauva point de la fin commune aux institutions humaines. Les Barbares continuèrent à s’avancer dans son sein, étonnés d’y rencontrer une résistance inaccoutumée, étonnés surtout de se trouver sensibles eux-mêmes à la grandeur pénétrante de la nouvelle religion de Rome. Ils avancèrent pourtant : la marée semble reculer; mais elle gagne toujours. A mesure que l’inondation s’élève, la terreur saisit tout une société affaiblie par une longue paix. Plus que jamais elle se serre contre l’église, dont la voix seule sait fortifier le cœur des vaincus et apaiser la colère des vainqueurs. Respectée des Barbares, chérie des Romains, l’église devient médiatrice entre une conquête farouche et une civilisation opprimée. De toutes parts on dépose entre ses mains tout ce qu’on veut sauver du pillage et de la flamme. Partout les basiliques reçoivent les marbres, les statues, les peintures de grand prix, les manuscrits enlevés aux bibliothèques, l’or et les joyaux qui ornaient les palais. On en voit autour de Rome qui enferment des monumens tout entiers, qui encadrent dans leurs vastes nefs des temples et des édifices romains parfaitement intacts. C’est l’image du mouvement qui s’opère d’un bout à l’autre de l’empire. Poésie, philosophie, beaux-arts, tout accourt au pied des autels :

Præcipites atra ceu tempestate columbæ,
Condensæ, et divum amplexæ simulacra sedebant.

L’église reçoit tout : elle accorde l’hospitalité à toutes ces filles égarées, mais pénitentes, de la pensée humaine; elle devient ainsi l’héritière de toute l’œuvre des siècles, et tous les souvenirs de Rome font cortège à Léon-le-Grand s’avançant à la rencontre d’Attila.

De cette rencontre solennelle est sorti cet état nouveau de l’Europe qu’on a appelé le moyen-âge. Dans cette négociation conclue avec la barbarie, l’église ne traite pas seulement pour les vérités dogmatiques dont elle était dépositaire, elle traite aussi pour la civilisation tout entière, dont elle s’était emparée par déshérence. Vicaire de Jésus-Christ, le pape succède en même temps aux droits du sénat et des empereurs. Dès-lors l’église a deux rôles à jouer, elle a deux tâches à remplir. Elle a toujours sa mission éternelle, celle de maintenir dans leur pureté ces dogmes célestes que rien n’ébranle ni n’altère, qui ne sont point nés et ne mourront pas sur cette terre, de préparer les âmes aux biens qui ne passent pas et à la vie qui ne finit pas. Elle a reçu aussi, dans le naufrage du monde, la mission accidentelle d’inoculer aux nations barbares les arts passagers, les biens périssables. Ces deux missions sont dignes d’elle, mais inégalement glorieuses; il faut se garder de les confondre. L’une est la tâche propre et par conséquent