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méthodes philosophiques, littéraires ou politiques, mais cette supériorité universelle qui, en tout genre, assurait son ascendant. Si l’église avait pris la tête de la société du moyen-âge, c’est que les catholiques avaient eu le soin de se placer partout en avant sur toutes les routes de la civilisation. De ces postes avancés, ils dominaient aisément la société tout entière; ils étaient les plus éclairés et les plus habiles de leurs contemporains. Dépositaires de toutes les lumières connues de leur âge, experts dans le gouvernement des peuples, ils avaient rendu la religion savante, politique et lettrée, ce qui aidait beaucoup la science, les lettres et la politique à demeurer constamment religieuses. Ces qualités-là peuvent s’imiter en se transformant; nous en avons des modèles vivans de nos jours. Ce sont là les vraies, les saines traditions du moyen-âge; c’est là l’esprit toujours agissant du christianisme, qui renaît de ses cendres même toutes les fois qu’on le croit éteint. Le christianisme n’est point descendu dans le sépulcre du moyen-âge ; ne restons point à le pleurer auprès de ces langes mortuaires et de cette pierre funèbre ou l’incrédulité avait cru l’enfermer, et qui n’ont pu le retenir; ne cherchons point parmi les morts celui qui est vivant.

Nous avons dit sans détours notre pensée tout entière; nous l’avons fait avec tous les égards que commandent le caractère et le talent des hommes dont nous ne partageons pas les sentimens, mais aussi avec cette liberté de langage qui n’est jamais plus hardie que lorsqu’elle se sent contenue par le frein salutaire de l’autorité. Les derniers débats religieux ont fait sentir l’avantage d’une discussion modérée dans le sein de l’église, en même temps que l’inconvénient des exagérations qui naissent de l’entêtement d’une opinion exclusive. La querelle des classiques, qui a averti tant de bons esprits, est-elle un incident isolé? n’est-elle pas sortie, comme une conséquence extrême, mais naturelle, d’un ordre d’idées faux auquel tout le monde s’était trop aisément abandonné? n’a-t-elle pas pris naissance dans une sorte d’idolâtrie pour les souvenirs du moyen-âge, maladie plus subtile et plus dangereuse que l’idolâtrie païenne proprement dite? C’est la question que nous soumettons à un clergé éclairé, à tant de catholiques dévoués avec qui nous sommes unis par les liens d’une foi commune, et à qui nous ne demandons qu’un peu d’estime en retour de l’admiration que nous portons à leurs vertus. Dussions-nous nous exposer une fois de plus à des qualifications offensantes, nous croyons ne pas excéder le droit d’un humble fidèle en les priant de songer sérieusement que les réactions sont passagères et les imitations impuissantes.


ALBERT DE BROGLIE.