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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/500

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plus nette que les deux lettres qu’on vient de lire. Chez elle, il n’y a aucun conflit de sentimens, elle n’aime plus Beaumarchais et elle aime ailleurs : c’est très simple et très clair.


« Je ne puis que vous répéter, monsieur, ce que j’ai dit à Mlle votre sœur, que mon parti est pris pour ne plus revenir ; ainsi je vous remercie bien de vos offres et je désire de tout mon cœur que vous vous mariiez avec une personne qui fasse votre bonheur ; je l’apprendrai avec grand plaisir, comme tout ce qui vous arrivera d’heureux ; j’en ai assuré Mlle votre sœur. Ma tante et moi devons vous dire aussi combien nous sommes fâchées que vous nous manquiez d’égards en traitant fort mal, à notre occasion, un homme que nous regardons comme notre ami ; je sais mieux que personne combien vous avez tort de dire qu’il est perfide[1]. J’ai dit encore ce matin à Mlle votre sœur qu’une demoiselle qui avait demeuré chez ma tante était la cause de tout ce qui arrive aujourd’hui, et que, depuis ce temps, il n’y avait que le public qui me retenait[2] ; vous avez encore plusieurs lettres à moi, dont deux écrites dans ce temps-là, une autre écrite à Fontainebleau, et quelques autres que je vous prie de me renvoyer. Je prierai un de nos amis de Saint-Domingue, comme je vous l’ai déjà mandé, de passer chez vous pour achever tout ce qui reste à terminer entre nous. Je suis très parfaitement, monsieur, votre très humble et très obéissante servante.

Le B… »


Pauline, qui signait autrefois je suis pour la vie ta fidèle Pauline, signe poliment de son nom de famille, et cette correspondance se termine, comme une foule de correspondances du même genre, par le « j’ai l’honneur d’être, » ou « je suis très parfaitement, » qui succède aux protestations d’amour éternel.

Enfin, pour clore l’épisode, voici venir le cousin de Pauline dont j’ai déjà parlé, celui qui au moins date scrupuleusement ses lettres, ce qui le rend estimable aux yeux de la postérité. Il s’est réconcilié avec Beaumarchais, et, tout en stipulant pour sa cousine, il se tait maintenant sur l’innocence du chevalier, qui commence sans doute à lui paraître moins évidente.


« Tout est dit, mon cher Beaumarchais, et sans espoir de retour ; j’ai fait part de vos dispositions à Mme G…… (c’est la tante) et à Mlle Le B… ; elles ne demandent pas mieux que de mettre un procédé honnête dans la rupture : il s’agit maintenant de travailler à régler le compte à faire entre Mlle Le B… et vous, et de prendre des arrangemens avec vous pour vous remplir des sommes qui vous resteront dues ; ces dames vous prient aussi de me remettre

  1. Cette apologie d’un rival heureux dans laquelle Pauline, en vraie fille d’Ève qu’elle est, fait intervenir sa tante et parle au pluriel, a dû être pour Beaumarchais un morceau d’une digestion difficile.
  2. Ici Pauline n’est peut-être pas très sincère en se retranchant derrière Mlle Perrette ; elle allègue une vieille infidélité depuis long-temps amnistiée par elle-même : aussi réclame-t-elle ses lettres de ce temps-là ; mais, comme ce sont les plus expressives, Beaumarchais a eu soin d’oublier de les rendre.