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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/570

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lutte contre les ennemis de son génie, arriva à Vienne, entendit la Faustina, et l’engagea aussitôt pour son théâtre de Londres au prix de 2,000 livres sterling par an.

La passion des Anglais pour la musique et les virtuoses italiens remonte au XVIe siècle; elle n’a fait que s’accroître depuis la naissance de l’opéra et les progrès de l’art de chanter. Dès le commencement du XVIIIe siècle, il y avait à Londres un opéra italien qui était le rendez-vous de la haute fashion, et, comme les partis politiques qui divisent et vivifient si heureusement ce grand pays aiment à manifester sur toutes choses l’antagonisme qui les caractérise, il y eut bientôt un théâtre rival, encouragé, soutenu et fréquenté par les chefs du parti contraire. Haendel, qui, en sa qualité d’Allemand, était attaché à la maison de Hanovre, se trouvait tout naturellement le musicien de la cour, et le théâtre qu’il dirigeait, Haymarket, devenait ainsi le champ de bataille où se rendaient les partisans exclusifs des prérogatives de la couronne. Le compositeur italien Bononcini était au contraire soutenu par le fameux duc de Marlborough et par les whigs, dont il était le chef. Ces deux musiciens, d’un mérite si différent, et qui représentaient à Londres le génie de leur patrie, avaient sous leurs ordres une armée de virtuoses avec lesquels on se disputait non pas l’empire des mers, mais la palme d’une paisible victoire. Non-seulement la lutte existait entre les deux théâtres et les deux compositeurs, mais elle s’engageait encore parmi les chanteurs qui combattaient sous la même bannière.

La Faustina, qui arriva en Angleterre en 1726, y trouva la Cuzzoni, qui depuis trois ans régnait sur les cœurs des trois royaumes, et qui ne se laissa pas enlever sa conquête sans la défendre unguibus et rostro. Ces deux femmes célèbres s’étaient déjà mesurées à Venise en 1717, en chantant ensemble dans un opéra de Gasparini, Lamano, — et, bien qu’elles eussent chacune des qualités différentes qui se complétaient en formant un heureux contraste, mises en face l’une de l’autre, excitées par un public qui s’amusait de leur rivalité, elles se livrèrent un combat mémorable, qui partagea la haute société en deux camps ennemis. C’est la première de ces grandes luttes entre des cantatrices célèbres dont l’Angleterre a été le théâtre depuis le commencement du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. La Cuzzoni et la Faustina, la Banti et la Marra, la Billington et la Grassini, la Pasta et la Malibran, se sont tour à tour mesurées sur le même champ de bataille, devant un public aussi cruel pour les vaincus que l’étaient les Romains aux combats du cirque.

Faustina trouvait, il faut le reconnaître, dans la Cuzzoni, une émule digne d’elle. Née à Parme vers 1700, Françoise Cuzzoni, qui avait appris la musique d’un maître de la ville nommé Lanza, jouissait déjà