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premier motif. Ces airs sont entremêlés d’un duo ou deux, rarement d’un trio, et de quelques chœurs fort simplement écrits. Tous les opéras de Hasse qu’il nous a été possible de consulter présentent la même division et ne diffèrent entre eux que par le sujet de la pièce et la variété des mélodies. Son instrumentation se réduit à peu près au quatuor accompagné de quelques soupirs du hautbois, de la flûte et du basson. Dans les scènes pathétiques, le maître fait intervenir le cor et parfois la trompette. Telles sont les couleurs dont se compose l’orchestre de Hasse, qui n’était ni plus varié, ni plus nourri que l’orchestre de Haendel et celui des compositeurs italiens de la même époque. C’est par la grâce et la tendresse des mélodies, par la beauté de ses airs et de ses duos, qui servaient à faire briller le talent des plus admirables virtuoses, que Hasse a conquis la grande renommée dont il a joui pendant les soixante premières années du XVIIIe siècle. C’était un musicien d’instinct, — comme on l’a très bien dit, — qui écrivait avec facilité les chants heureux et simples que lui dictait son cœur et qui savait les approprier avec adresse à la voix de ses interprètes. Aussi les opéras de Hasse étaient-ils fort recherchés par les sopranistes et les cantatrices à la mode; ses mélodies limpides et suaves, qui exprimaient les joies et les peines de l’amour, ont fait les délices de l’Europe. Pendant dix ans, le célèbre Farinelli a égayé le triste roi d’Espagne Philippe V en lui chantant chaque soir deux airs de Hasse : Pallido è il sole, et Per questo dolce amplesso.

Par la grâce et le caractère tempéré de ses mélodies, par la simplicité de ses formes et celle de la fable dramatique où s’est renfermée son imagination, Hasse appartient à l’école italienne de la première moitié du XVIIIe siècle. Il en a les défauts et les qualités charmantes. Il chante plutôt pour évoquer les désirs et distraire la passion que pour en exprimer les emportemens et la douleur. Il n’a rien de la profondeur de Gluck, son compatriote, tout en étant comme lui transfuge dans le camp de l’étranger. Aussi l’influence de cet aimable génie sur l’Allemagne n’était-elle pas destinée à lui survivre. Lorsqu’en 1771 le vieux Hasse se rendit à Milan pour y composer son dernier opéra, Ruggiero, il y rencontra le jeune Mozart, qui, à l’âge de quatorze ans, venait d’écrire son premier essai dramatique : Mitridate, re di Ponte. En écoutant les bégaiemens de cette muse divine, Hasse prononça ces paroles qui sont devenues une vérité de l’histoire : Voilà un enfant qui nous fera tous oublier!

Quant à la cantatrice dont le nom est inséparable de celui de Hasse, est-il besoin de répéter qu’elle était la digne interprète des gracieuses mélodies du maître saxon? En répudiant le génie national qui s’éveillait à peine et en allant chercher l’inspiration dans le pays de la lumière et de la mélodie, Hasse semble avoir épousé toutes les séductions de l’Italie dans la charmante Faustina. Elle était petite, d’une taille bien prise,