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BEAUMARCHAIS, SA VIE ET SON TEMPS.

Et puis, au bon saint Jean faire quitter la place,
Ce serait, surtout en ce jour,
Lui jouer un fort vilain tour…
J’ai quelques droits pour te demander grâce :
Mes pères m’ont transmis le nom d’un farfadet,
Une espèce de sobriquet
Sorti de l’antichambre ou plutôt du village ;
Enfin, pour tout dire en un mot,
Le vrai nom d’un petit marmot.
Eh bien ! je crois, en homme sage,
Devoir braver le persiflage
Et me contenter de mon lot.
Je serais volontiers Pierrot
Si tu voulais être Perrette,
Et toujours je serai Janot
Si tu veux être ma Janette.


La constance de Janot fut enfin récompensée par Janette. Mlle de Boisgarnier, convenablement dotée par son frère, épousa en 1767 M. de Miron, que l’influence de Beaumarchais fit plus tard nommer secrétaire des commandemens du prince de Conti.

Mme de Miron recevait très bonne compagnie. Je vois dans le manuscrit de Gudin que l’abbé Delille notamment lisait chez elle ses vers inédits. Elle jouait son rôle avec esprit dans des parades composées par Beaumarchais, dont il reste dans ses papiers un échantillon assez curieux, sous le titre de Jean-Bête à la foire[1].

Ces parades se représentaient au château d’Étiolés, chez M. Le Normand d’Étioles, le mari de Mme de Pompadour. On y voyait figurer, avec la sœur de Beaumarchais, la comtesse de Turpin, Préville, Dugazon et Feuilly de la Comédie-Française. Mme de Miron fut enlevée jeune encore à sa famille et à ses amis ; elle mourut en 1773[2].

  1. Cette parade inédite de Beaumarchais peut rivaliser avec les meilleures de Collé ; elle a toute la verve grotesque du genre, toute la spirituelle effronterie d’équivoques et de quolibets qui le caractérise. Le goût général au XVIIIe siècle pour cette sorte d’ouvrages est un signe du temps. On a de la peine aujourd’hui à se représenter des femmes du monde, et souvent du très grand monde, aimant à débiter sur des théâtres de société des gaudrioles en langage poissard. — Peut-être aussi sommes-nous devenus plus réservés… en paroles seulement.
  2. De son mariage, Mme de Miron ne laissa qu’une fille, personne distinguée, qui tenait de sa race un goût passionné pour les arts, les vers, et surtout les chansons. On la nommait dans la famille la Muse d’Orléans, parce qu’elle était établie à Orléans, où elle fut mariée et dotée par son oncle Beaumarchais. — Elle a laissé un fils, M. Phalary, aujourd’hui conseiller à la cour d’appel d’Orléans.