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dans les deux enquêtes. Tient-on absolument à savoir si, depuis cette efflorescence du système industriel qui remonte à une trentaine d’années, il y a progrès ou détérioration dans le sort des classes ouvrières, qu’on interroge les relevés annuels de la consommation alimentaire. Il n’y a pas de témoignages plus certains ni plus expressifs. Si l’ouvrier améliore son régime, c’est qu’il a plus d’aisance; s’il réduit sa ration quotidienne, c’est évidemment que ses ressources sont diminuées. Or je renouvelle avec précision et impartialité des calculs qui ont été déjà faits vingt fois, et je trouve que, pour l’ensemble de la population parisienne, l’usage du vin est diminué de 18 p. 100 depuis un quart de siècle[1]; il y a en revanche, triste symptôme, une légère augmentation dans l’usage de l’alcool. La consommation de la viande est abaissée de 9 pour 100[2]. Ces résultats généraux ne donnent d’ailleurs qu’une idée incomplète de la réalité. Il est évident que ceux qui vivent dans l’aisance boivent autant de vin et mangent autant de viande aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans, et que la diminution porte exclusivement sur les classes condamnées à la stricte économie. En supposant donc que les privations n’eussent été ressenties que dans la moitié de la population parisienne, le déficit serait de 23 pour 100 sur le vin et de 17 pour 100 sur la viande.

Grâce à son industrie, la ville de Paris s’est considérablement enrichie, merveilleusement embellie depuis trente ans : si cela ne sautait pas aux yeux, l’enquête le démontrerait en mille endroits; mais je lis aussi dans un petit

  1. Consommation du vin à Paris. — De 1822 à 1827, avec une population civile de 800,000 âmes en moyenne, il a été introduit à Paris 942,615 hectolitres de vins par année, ce qui donne une consommation par tête de 117 litres. — En 1847, la population civile étant de 1,034,000 têtes, les droits ont porté sur 990,710 hectolitres, ce qui réduit la part de chacun à 99 litres : différence dix-huit pour cent.
  2. Consommation de la viande à Paris. — Première période, de 1822 à 1827, population moyenne de 800,000 habitans.
    Nombres par année commune Poids net par tête de bétail Poids total
    Bœufs 78,856 340 kil. 26,811,040 kil.
    Vaches 12,250 240 2,940,000
    Veaux 74,971 63 4,723,173
    Moutons 387,176 22 8,517,872
    Porcs 89,908 80 7,082,640
    Viandes à la main (boucherie et charcuterie) 2,039,034
    Total des viandes consommées 52,113,759 kil.

    52,114,000 kilogr. à partager entre 800,000 individus donnent 65 kilogr. 14 centièmes par tête.
    Deuxième période, année 1847. —

    Viandes de boucherie sorties des abattoirs (bœuf, veau, mouton, bouc et chèvre) 48,879,815 kil.
    Viandes à la main provenant de l’extérieur 4,653,282
    Chairs de porc, graisses et charcuterie 7,984,332
    Total des viandes consommées 61,517,429 kil.

    Avec une population de 1,034,000 personnes, 61,517,000 kilogr. de viandes à partager donnent par tête 59 kilogr. 45 cent. Comparativement à l’époque précédente, la diminution est de neuf pour cent.