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Hardenberg. En attendant que ces mémoires de M. de Hardenberg soient livrés à la curiosité publique, sa biographie vient d’être l’objet d’une sérieuse étude. M. Klose a écrit avec piété la vie du prince et s’est attaché à le justifier de toutes les accusations qu’il a depuis si long-temps encourues. Tous ces travaux, tous ces documens rassemblés à la fois, comme si écrivains et éditeurs se fussent concertés à ce sujet, prouvent assez l’importance des questions en cause, et nous signalent le commencement de ce siècle comme une période décisive dans le renouvellement de la Prusse.

Le plus remarquable, le plus intéressant de ces ouvrages, et par le sujet et par la nouveauté des documens, c’est la Vie de M. le baron de Stein, qu’un érudit justement célèbre, M. G. H. Pertz, vient de donner à l’Allemagne. Le baron de Stein est le chef de la politique hardie qui appela la révolution au service des rois vaincus et précipita les peuples germaniques contre le dominateur de l’Europe. Une biographie complète de ce grand et audacieux personnage manquait à la littérature politique de la Prusse ; M. Pertz a eu l’ambition d’élever ce monument à son pays. Cette tâche difficile était pour lui comme un droit et un devoir. L’illustre homme d’état, dans les loisirs que lui avaient assurés ses disgrâces, s’était livré avec ferveur à l’étude de cette race germanique dont il plaçait si haut la destinée dans le monde ; il recherchait au fond le plus lointain du passé les titres de sa mission providentielle, et M. Pertz, le docte éditeur des Monumenta historica Germaniœ, avait compté parmi ses collaborateurs l’impétueux adversaire de Napoléon. Plus d’une fois, dans les dernières années de sa vie, le baron de Stein avait été sollicité par M. Pertz de quitter les poudreuses chroniques du Xe siècle pour la vivante histoire du XIXe ; plus d’une fois on l’avait supplié de laisser à la postérité un récit des événemens auxquels il avait pris une part si active, des efforts extraordinaires qu’il avait tentés, de ses luttes au dedans et au dehors, de ses triomphes et de ses échecs. M. de Stein, si résolu sur le théâtre de l’action, répugnait à se mettre en scène dans ses écrits. C’était le temps où se publiait chez nous toute une bibliothèque de mémoires fabriqués, où le XVIIIe siècle, la révolution et l’empire nous étaient racontés par tant de plumes ridicules ou vénales, où des célébrités de toute espèce, et les plus équivoques particulièrement, introduisaient le lecteur dans les coulisses de leur théâtre ; jamais on n’avait vu, connue de 1815 à 1830, une telle exhibition de produits suspects. On comprend que ce sévère esprit n’ait pas voulu compromettre ses souvenirs parmi ces ignobles œuvres de la vanité ou de l’intrigue, et qu’il ait mieux aimé consacrer ses derniers jours à ses chers chroniqueurs allemands du moyen-âge. En vain sa vie et ses actes étaient-ils l’objet des jugemens les plus passionnés dans de sérieux ouvrages