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Trois séances ont suffi pour l’élaboration d’un sénatus-consulte dont l’explication et le commentaire se trouvent dans un rapport de M. Troplong qui commence par une théorie générale des institutions monarchiques pour aboutir à la théorie particulière de la monarchie impériale représentée comme la souveraineté populaire couronnée.

Le sénatus-consulte actuel reporte naturellement l’esprit vers celui de 1804, et il a aussi son caractère propre. Le sénatus-consulte par lequel l’empire fut établi au commencement de ce siècle formait sur certains points un ensemble de stipulations constitutionnelles ; il réglait avec précision les conditions de l’hérédité monarchique et fixait la liste civile. Il créait autour du trône renaissant de grandes dignités. Le sénatus-consulte d’aujourd’hui ne crée, à vrai dire, qu’une grande situation, celle du chef de l’état. Au point de vue dynastique, il ne fixe point d’une manière virtuelle de droits collatéraux. C’est le chef de l’état qui règle l’ordre de succession. Il peut choisir par l’adoption un successeur parmi les enfans des frères de l’empereur Napoléon, faute d’un héritier direct, et il conserve une autorité pleine et entière sur les divers membres de sa famille. À la suite du sénatus-consulte, le prince Jérôme s’est démis de la présidence du sénat, qui appartient à l’empereur dans l’organisation nouvelle du pouvoir. Quant au surplus du régime politique de la France, il reste tel que l’a établi la constitution du 15 janvier. Au fond, cette constitution n’était-elle point d’ailleurs de nature à ce que la dignité impériale y pût entrer sans effraction, sans modification autre que celle qui concerne l’autorité exécutive ? Le sénat a donc fait son œuvre en formulant, dans la mesure de son pouvoir, la décision qui rétablit l’empire en France. Il ne reste plus aujourd’hui qu’au suffrage populaire à se prononcer sur les conclusions du récent sénatus-consulte, et au corps législatif à proclamer le résultat. C’est le 21 de ce mois qu’a lieu le vote sur tous les points de la France, et c’est quatre jours après, le 25, que le corps législatif se réunit. Ainsi chaque jour nous rapproche de l’heure où va s’accomplir définitivement la résurrection des institutions impériales. Quelle sera la pensée du nouvel empire ? On peut la trouver dans toutes les manifestations, dans tous les discours du prince-président. C’est là qu’il faut la chercher plutôt que dans des commentaires qui ne rendent pas toujours, sans nul doute, avec exactitude ce qui est dans l’esprit du chef de l’état. Les conditions politiques d’un pays peuvent changer, la condition humaine dans ce qu’elle a d’essentiel et de profond ne change pas. On disait récemment, dans la perspective du prochain vote populaire, que nous allions entrer dans une ère où le bonheur et l’aisance seraient partout, la misère nulle part. Nous ne croyons pas que qui que ce soit ait reçu mission de faire de telles promesses. Tant que cette grande et triste race d’Adam traînera son existence dans cet univers qu’elle remplit de son héroïsme, de ses désirs, de ses folies, de ses expiations, il y aura, des misères, les unes méritées, les autres imméritées ; il y aura des malheureux, les uns innocens, les autres coupables de leur propre malheur. Il n’y a que le socialisme qui prétende changer la destination de l’homme en l’appelant au bonheur, à la jouissance universelle : on sait comment il y réussit, rien qu’en se montrant. Comme la vertu et le devoir sont rigoureux, il dit à l’homme : Satisfais tes désirs et tes passions, que pourrait-il te manquer ? Comme les liens de famille mettent dans le cœur mille côtés vulnéra-