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La poésie dramatique et l’apologue sont les genres qui devaient, après la poésie lyrique, s’emparer de l’esprit public en Danemark. Nous avons dit ailleurs[1] que, dans le concert des littératures du Nord, celle du Danemark représentait surtout l’élément dramatique. Après Holberg et Wessel, Œhlenschlæger avait enrichi la scène danoise d’œuvres brillantes qui sont devenues classiques. Pourtant il y avait dans ses pièces principales, empruntées à l’ancienne histoire Scandinave, une certaine exubérance de lyrisme qu’on pouvait attendre d’un chef d’école ardent et enthousiaste, mais qui, exagérée par ses premiers élèves, dépassait les dernières limites du genre et le défigurait. Vers 1830, MM. Heiberg et Henri Hertz se firent les organes d’une sorte de réaction qui n’était qu’un retour vers les principes véritables de la poésie dramatique, et qui, la dégageant de l’enveloppe lyrique dont on l’avait revêtue, rendit au Danemark, sous sa forme précise et vive, un genre mieux adapté que tous les autres au caractère et au goût national. Fils d’un réfugié, auteur dramatique distingué lui-même, et que ses opinions libérales forcèrent à quitter avec Malte-Brun le Danemark pour venir en France après la révolution, M. Heiberg a écrit de spirituelles comédies après s’être montré grand poète dans son livre de l’Ame après la mort. Le succès de la comédie populaire, telle qu’il l’a introduite en Danemark, c’est-à-dire sans les grâces surannées et la sentimentalité fade de notre théâtre du second ordre, est un trait de plus à ajouter à la conformité du caractère danois avec le nôtre.

Pendant que la comédie, suivant l’exemple donné par Holberg, faisait ainsi paraître sur la scène des masques tout populaires, la tragédie classique, sans être complètement négligée, pâlissait devant le drame purement Scandinave, sorte de genre nouveau où triomphe la littérature moderne des peuples du Nord. Le Tibère et le Bajazet de M. Hauch, malgré le talent élevé de ce dernier écrivain, sont devenus moins facilement célèbres que la Maison de Sven Dyring de M. Hertz.

L’apologue, le conte et le roman demandent, comme la comédie et le drame, une action et une mise en scène vivement imaginées, conduites avec adresse, exposées facilement. Les qualités nécessaires au conteur et à l’auteur dramatique, tout en visant au même effet, sont cependant assez différentes pour qu’elles se rencontrent rarement réunies en un même écrivain ; le conteur apporte au poète comique l’abstraction à laquelle celui-ci donnera la couleur et la vie. M. Heiberg est tour à tour poète comique et conteur, surtout s’il est vrai qu’il ait pris une grande part à la composition des gracieuses Nouvelles dont le recueil anonyme attribué à Mme Heiberg, sa mère, a été publié par lui. Les ouvrages récens de MM. Paludan-Müller et Goldschmidt, Adam

  1. Voyez la Suède depuis cinquante ans, livraison du 1er janvier 1852.