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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/92

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REVUE DES DEUX MONDES.

l’esprit d’équité dont il avait été donné tant de preuves dans les questions territoriales prévalut aussi dans cette matière, et le respect dû aux conventions matrimoniales fut plus fort que l’esprit d’égalité. Les personnes mariées ou veuves avec des enfans furent admises à réclamer le bénéfice des anciennes règles dans les successions à échoir, et aucun effet rétroactif n’infirma les conventions et les institutions contractuelles passées sous l’empire des lois anciennes.

Il ne suffisait pas encore à la loi de régler l’ordre successorial d’après l’ordre présumé des affections naturelles : il restait à résoudre une question qui avait partagé tous les législateurs et provoqué les solutions les plus contraires, et celle-ci jeta l’assemblée dans de longues et sérieuses perplexités. L’homme, par un acte suprême de sa volonté, pouvait-il suppléer à la loi et s’élever au-dessus d’elle ? Être faible et si vite oublié, avait-il le droit de s’emparer de l’avenir et d’en disposer à son gré, lorsqu’il aurait déjà payé sa dette à la mort ? Le droit de tester serait-il reconnu par la législation nouvelle, et dans quelle mesure le serait-il ?

Dans la France féodale, les testamens étaient sinon interdits, du moins très limités dans leurs effets. La plupart des coutumes avaient mis les biens d’origine patrimoniale en dehors de la disponibilité testamentaire, et l’aîné de la race, à raison même de la suprématie attachée à ce titre, possédait un droit indépendant de la volonté paternelle et supérieur à celle-ci. Il en devait être ainsi dans un ordre social où les terres dominaient les personnes, et où l’individu n’existait que par la famille. La société romaine reposait sur un principe tout opposé. Les terres, très mobiles dans leur transmission, n’y étaient aucunement liées à la constitution politique de la famille. Le chef de celle-ci, à raison du sacerdoce domestique qui lui était conféré, était revêtu du double droit de disposer de tous ses biens par testament et d’étendre par l’adoption les limites mêmes de la famille. Jamais la volonté humaine ne s’était exercée au-delà des limites du temps avec une plus haute indépendance. On sait que ces deux doctrines se partageaient la France avant la révolution, et que le droit de tester, inconnu dans les pays coutumiers, était usuel dans les provinces de droit écrit. La tendance qui dominait la constituante devait assurément rendre cette as- semblée favorable à l’introduction du principe romain et du droit testamentaire ; ce droit était, en effet, la plus éclatante expression de la liberté, et comme une dernière protestation contre cette suprématie historique de la terre et de la race, dont elle s’efforçait d’anéantir les derniers vestiges. Toutefois les scrupules des constituans en matière de droit civil étaient tels, et les traditions coutumières exerçaient encore sur eux une telle autorité, qu’ils n’osèrent pas trancher la question du droit de tester. Par une méfiance d’eux-mêmes qui contraste étrange-