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LE PROBLÈME DE 89.

à la division de la propriété en immeubles et en capitaux mobiliers. Le cadastre, décrété par l’assemblée en août 1791, devint, pour l’avenir, la base de la répartition territoriale ; le loyer d’habitation fut pris comme l’étalon le plus constant de la propriété non apparente, et la patente, échelonnée selon les produits probables du labeur, représenta la participation libre des industriels de tous les ordres à ce concours des citoyens aux charges publiques, concours tout spontané dont la constituante entendit faire consacrer la pensée jusque dans le langage usuel en substituant le terme de contribution à celui d’impôt. L’historien des institutions de 89 nous montre cette assemblée appliquant à l’organisation civile de la famille les principes qu’elle avait fait prévaloir en ce qui concernait les terres et les personnes. La famille cessa d’être une institution politique, et l’égalité fondée sur les instincts naturels du chef de la communauté domestique ne fut plus contrariée par les convenances et les interdictions sociales. Le droit de masculinité et le droit d’aînesse, issus des traditions germaniques et des nécessités de défense imposées par une organisation toute militaire, étaient devenus ceux des sociétés européennes. L’exclusion des filles s’était conservée dans plusieurs coutumes, le droit d’aînesse régnait dans toutes, et la distinction générale des biens nobles et des biens roturiers fondait la grande distinction des successions nobles et roturières. « L’esprit d’aristocratie foncière était descendu des familles nobles au sein des familles bourgeoises. On avait distingué entre les héritiers des propres et les héritiers des acquêts ; les successions des propres avaient imité, en plusieurs cas, les successions des fiefs. Des réserves coutumières s’exerçaient sur les biens propres et soumettaient la loi d’hérédité à l’influence dominante de la terre. La qualité des biens l’emportait sur la parenté des personnes. En ligne collatérale, ce n’était pas la constitution de la famille par les liens du sang qui déterminait la successibilité ; c’était la constitution foncière : les biens remontaient vers le fait primitif de la possession et suivaient la ligne de leur origine. L’esprit nouveau devait anéantir tout le système des coutumes sur les successions, et l’assemblée constituante le sapa dans ses fondemens par la puissance d’un principe : l’égalité des partages. »

Les décrets de la nuit du 4 août avaient déjà frappé d’une atteinte mortelle le droit d’aînesse et celui de masculinité. Le 8 avril 1791, l’assemblée promulgua l’ensemble des principes qui président aujourd’hui à notre législation civile. Les héritiers au même degré furent appelés à succéder par égales portions dans chaque souche pour le cas où la représentation est admise. Celle-ci fut établie à l’infini en ligne directe ascendante ; on supprima le droit de dévolution, qui mettait l’inégalité entre les enfans de différens lits, et la loi effaça toutes les exclusions prononcées contre les filles et leurs descendans. Cependant