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SCÈNES DE LA VIE ITALIENNE.

Cologne, il y a des petits couteaux dans ma boîte ; mais je n’aurai pas besoin de m’en servir.

Une peinture de la vie italienne serait incomplète, si on en écartait absolument la silhouette de l’agent officieux qui prélève un misérable courtage sur la galanterie. Ce personnage obséquieux, inévitable, fabricateur inépuisable de mensonges et de fourberies, est un type éminemment méridional. Puisque nous le rencontrons ici, accordons-lui le passage ; tâchons, en l’ébauchant, d’oublier ce qu’il a de repoussant pour l’envisager de son côté comique, afin que le lecteur nous pardonne de l’avoir mené en si mauvaise compagnie.

Dans l’instant où Maria exprimait sa ferme résolution de vivre sagement, une conspiration contre sa vertu se tramait à deux pas d’elle. Un homme en redingote jaune offrait ses services à un jeune Américain, capitaine d’un navire marchand, et dont les yeux étaient constamment fixés sur la belle Tyrolienne. L’homme au sourire mielleux promettait monts et merveilles de son entremise, tout en appuyant sur les difficultés de la négociation. Il lui fallait du temps, disait-il, et l’argent nécessaire pour se faire écouter de la petite marchande, en lui achetant quelques objets de parfumerie. Un écu suffirait à cette entrée de jeu ; pour peu que son excellence consentît à ce léger sacrifice, le premier compliment serait porté séance tenante avec les précautions et l’habileté que réclamait une affaire si délicate, car on voyait bien que cette jeunesse en était à son primo passo. L’Américain donna dans le piége et tira de sa poche un écu romain. Aussitôt l’ambassadeur vint accoster la jeune fille. Avec ce flair subtil qui distingue les gens de son métier, il reconnut tout de suite l’innocence sauvage d’une enfant des montagnes ; c’est pourquoi il ne se hasarda point à l’effaroucher inutilement. Il prit un air mystérieux pour chuchoter de choses insignifiantes, et, quand il eut acheté un briquet de cinq baïocs, il retourna rendre compte au seigneur étranger de ces heureux préliminaires. Le marin, qui était un homme ponctuel, demanda combien de temps il lui faudrait attendre, et l’homme répondit sans hésiter qu’à moins de mort subite l’affaire serait certainement conclue le quatrième jour, à midi moins un quart.

Le personnage à la redingote jaune avait remarqué que je l’écoutais d’une oreille. Il vint s’asseoir près de moi. — Ces Anglais sont tous les mêmes, me dit-il en haussant les épaules. Ils s’imaginent que tout doit plier à leur caprice, et si on avait la sottise de s’exposer à quelque désagrément pour les contenter, ils ne vous remercieraient pas. Quand ils vous ont donné d’avance un pauvre écu, et qu’on réclame ensuite la récompense de ses peines, ils vous répondent : Tutto è pagato. C’est un mot qu’ils apprennent dans leur pays avant de s’embarquer pour