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III

Arrêtons-nous quelques instans sur les principaux obstacles élevés, jusqu’à la décisive intervention de Casimir Périer, sur les pas de ce gouvernement débile par le contre-coup de la révolution de juillet en Europe, et par les machinations des partis qui, durant cette période d’hésitation et de faiblesse, durent se regarder comme assurés de la victoire.

Le premier en date comme en importance fut le mouvement national de la Belgique, qui renversait par sa base la combinaison fondamentale des traités de Vienne, l’établissement d’une puissance du second ordre entre la France et l’Allemagne, garde avancée de celle-ci contre celle-là. La séparation administrative entre les deux moitiés du royaume des Pays-Bas, qui s’agitait au début de l’insurrection belge, aurait pu rester une question locale ; mais sitôt que la séparation politique fut consommée, et que la déchéance de la maison d’Orange eut été prononcée à Bruxelles, l’affaire revêtit un caractère européen, et rendit inévitable l’intervention de toutes les grandes cours qui avaient concouru aux arrangemens de 1815. En prenant sous son patronage l’indépendance de la Belgique, la France allait donc rencontrer immédiatement devant elle ou les armes des grandes puissances qui avaient réglé l’état territorial du monde, ou une offre de négociation collective, alors sans issue probable, et qui semblait devoir ajourner la guerre sans la détourner. Une lutte générale ou un concert diplomatique dans lequel la France se présenterait suspecte et isolée contre des cabinets unis par les souvenirs du passé et par les appréhensions de l’avenir, le renouvellement du traité de Chaumont ou l’immixtion de la monarchie de juillet dans la politique de Laybach et de Vérone : telle était l’alternative qui semblait se présenter en novembre 1830, au moment où se formait le cabinet de M. Laffitte. Les deux chances n’étaient guère moins périlleuses, car si l’une conduisait à une lutte sanglante, l’autre paraissait devoir aboutir à une nouvelle crise révolutionnaire, tant elle contrariait l’impulsion imprimée à l’opinion publique depuis les événemens de 1830.

Le nouveau gouvernement s’était à peine décidé à prendre place dans l’alliance d’Aix-la-Chapelle pour y continuer avec les quatre grandes puissances la série des transactions collectives de l’époque antérieure, que la Pologne préludait par une nuit funeste à l’audacieuse tentative de sa régénération politique. Ce fut au moment où les bulletins de Grochow, de Waver et d’Iganie exaltaient les imaginations jusqu’au délire, que les premiers protocoles de la conférence de Londres vinrent tomber comme des montagnes de glace sur cette