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bourgeoisie parisienne dont l’uniforme du garde national avait momentanément fait un peuple de soldats.

Des tempêtes soufflaient de toutes les extrémités de l’horizon contre cette humble royauté du Palais-Royal, point de mire de toutes les attaques, jouet de tous les dédains, et qui n’avait encore à son service ni une renommée éclatante, ni un seul dévouement éprouvé. La France était contrainte au même moment de refuser l’incorporation de la Belgique et de laisser périr la Pologne. Pendant que Varsovie l’appelait dans un dernier cri de désespoir, Bruxelles offrait vainement la couronne du nouveau royaume à un prince français, et sous le coup d’une irritation fort naturelle, le congrès belge faisait un choix que l’opinion prévenue réputait hostile à la France. Vers le même temps, l’Italie fermentait du pied des Alpes aux rives des deux mers, et la cour de Vienne, s’appuyant sur la réversibilité que lui réservaient les traités pour certains territoires, sur le droit plus général encore de sauvegarder ses propres possessions, se résolvait à une intervention armée qui de Parme et de Modène pouvait bientôt après la conduire à Turin : complication plus redoutable pour la paix que le différend hollando-belge lui-même, car dans les affaires italiennes le contact était direct entre la France et l’Autriche, et nulle intervention diplomatique n’était possible entre les deux cabinets qui représentaient alors dans toute leur énergie la révolution et la contre-révolution en Europe.

La guerre, ou immédiate, ou ajournée, apparaissait donc comme le dernier mot de l’obscur problème de juillet, et la dynastie d’Orléans semblait assiégée par l’Europe monarchique non moins que par la démagogie républicaine. Les pouvoirs étaient sans action et les partis pleins d’espérances ; chacun s’emparait de l’avenir en daignant à peine compter avec le présent. La pairie, condamnée par la charte de 1830 à une mortelle transformation, n’avait plus qu’une existence provisoire ; la chambre élective, qui, sans mandat, avait constitué un gouvernement, épuisée dans un effort que l’effroyable extrémité du moment pouvait seule justifier, n’avait plus ni force ni prestige à prêter à la royauté qu’elle avait faite. Le spirituel et bienveillant financier placé à la tête des affaires voyait avec effroi s’évanouir dans les orages la popularité facile dont il avait contracté la douce habitude. Courtisan novice et libéral émérite, il s’inspirait de la pensée politique du monarque parfois jusqu’à l’exagérer, et dans ses incurables faiblesses d’opposition il tendait la main aux hommes les plus connus pour en poursuivre une autre. Par ses contradictions et ses incertitudes, M. Laffitte était bien d’ailleurs le premier ministre naturel de ce gouvernement aux abois, pour lequel le commandant général des gardes nationales traitait à Paris avec les envoyés de