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nouvelle provoqua l’audacieuse occupation d’Ancône par une division française. Entrer de nuit dans une place de guerre en en brisant les portes à coups de hache, c’était faire une diplomatie dont les moindres défauts étaient à coup sûr la complaisance et la faiblesse. Durant sept ans, la France, maîtresse de la plus redoutable position de l’Italie, contint et troubla profondément l’Autriche. Avant que le drapeau tricolore cessât de flotter sur les rives de l’Adriatique, les Autrichiens avaient évacué tous les points qu’ils occupaient en dehors de leur propre territoire, et la France, ainsi mise en demeure, était contrainte ou de se retirer elle-même ou de déchirer les traités. Avec quelque sévérité qu’ait été appréciée l’évacuation d’Ancône, opérée en 1838 par le ministère du 15 avril, il est impossible de méconnaître qu’elle ne fût la conséquence absolue de conventions formelles dont le cabinet de Vienne ne réclama l’accomplissement qu’après une complète et préalable exécution des engagemens pris par lui-même. Refuser de retirer les troupes françaises du cœur de l’Italie au mépris d’une stipulation écrite, afin de s’y réserver une grande position militaire et une puissante action politique, c’était substituer à la politique des traités celle des convenances, et détruire par sa base l’œuvre du 13 mars, dont tous les cabinets conservateurs acceptaient l’héritage ; c’était faire ce que n’a pas depuis tenté la république, et le demander à une monarchie pacifique, c’était réclamer des ministres de 1830 ce qu’on n’a point exigé des ministres de 1848. Le cabinet du 15 avril n’était pas plus obligé que le gouvernement provisoire de servir la révolution italienne.

En appréciant d’ailleurs les actes par leurs résultats, comment méconnaître les heureux effets de la politique suivie en Italie pendant le cours des dix-huit années ? Si Grégoire XVI ne réalisa qu’incomplètement, par ses édits du 5 octobre et du 8 novembre 1831, les réformes que lui conseilla la France dans un document solennel, il était écrit que toutes ces réformes seraient bientôt accomplies et dépassées, comme pour déplacer tous les torts, en les transportant du souverain aux sujets. Les généreux essais du successeur de Grégoire sortirent d’une inspiration toute française. Pie IX valait pour nous deux cent mille hommes au-delà des Alpes, et son avènement consomma pour la France la conquête morale de l’Italie. Au moment où tomba la monarchie de 1830, elle voyait des institutions calquées sur les siennes établies à Turin, à Florence, à Naples, et prêtes à s’essayer là même où elles étaient d’une application impossible ; l’Autriche était traquée sur tous les points de la péninsule, et la fortune de la France semblait lui préparer entre l’ordre ancien et l’ordre nouveau, entre les institutions décrépites et les périls révolutionnaires, un rôle de salutaire et suprême médiation. Les populations italiennes