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l’imploraient contre les soldats du maréchal Radetzky, les cabinets contre les trames de lord Minto. La paix avait fait dépasser à la France les plus brillantes perspectives de la guerre, et sa pensée politique avait vaincu sans combat.

Dans la principale négociation entamée et si longtemps suivie par la France pour la conduite des affaires belges, le gouvernement de 1830 peut, avec une confiance égale, défier la controverse et arguer des résultats. La France de juillet, profitant de la révolution consommée à Bruxelles, avait déclaré qu’elle couvrirait la nationalité belge, et que, si elle renonçait à une extension de son propre territoire, elle ne permettrait à aucun prix le rétablissement de l’ancien royaume des Pays-Bas, élevé contre nous au jour de nos désastres. C’était imposer à l’Europe, sous la menace de la guerre, l’exclusion d’une dynastie encore désirée même en Belgique par un parti fort nombreux, et qui tenait par les liens les plus intimes aux trois maisons de Prusse, de Russie et d’Angleterre ; c’était exiger de plus, aux lieu et place de la barrière élevée avec tant d’art par les négociateurs de 1815, l’érection d’un état faible, satellite obligé de la France, parlant sa langue, vivant de sa foi, s’inspirant de sa pensée, régi par les mêmes institutions, et manifestement appelé, en cas de collision européenne, à lui remettre les clefs des places formidables construites contre elle-même.

De tels avantages égalaient ceux qu’en d’autres temps on aurait pu se promettre d’une guerre heureuse. Ont-ils donc perdu leur prix parce qu’ils ont été conquis et sanctionnés par la paix ? La Belgique, liée à la France par une jeune dynastie qu’une sainte princesse avait faite française, n’a-t-elle pas gravité durant dix-huit ans dans notre sphère politique ? N’était-elle pas, au nord, l’avant-garde du système constitutionnel dont la France était l’âme, et sa neutralité sympathique n’était-elle pas pour les éventualités de l’avenir le gage de la sécurité de nos propres frontières ? Enfin ne s’était-elle pas liée à nous par deux conventions commerciales dont il est juste de reconnaître que la France a plus profité qu’elle-même ? Si jamais combinaison politique était en voie de répondre pour l’avenir aux espérances conçues, c’était assurément l’érection de cette libre et sage monarchie qui survit à celle qui l’enfanta, comme un honorable et consolant souvenir. Que si des résultats politiques amenés par cette combinaison elle-même on passe aux détails des longues négociations dont elle sortit, il faudra bien reconnaître que l’intérêt de la Belgique triompha de celui de la Hollande dans la plupart des transactions qui s’échelonnent durant une période de six années, depuis les bases de séparation et le traité du 15 novembre 1831 jusqu’à l’acte définitif signé, le 19 avril 1839, entre les plénipotentiaires belges et néerlandais.