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Ceci a pu être méconnu dans l’ardeur et l’iniquité des luttes parlementaires, mais la vérité demeure acquise à l’histoire. Les Belges se sont plaints beaucoup, c’était peut-être leur droit ; nos tribuns leur ont toujours donné raison, c’était certainement leur métier ; mais, en dernière analyse, sur quelles bases s’est opérée la dissolution de cette communauté, qui soulevait tant de problèmes ? Quel a été le résultat définitif de l’intérêt si chaleureux témoigné à la maison de Nassau par les principales dynasties de l’Europe ? La Hollande, à laquelle les anciennes provinces autrichiennes des Pays-Bas avaient été attribuées en 1814, en échange de ses plus florissantes colonies, a perdu la totalité de ce riche territoire, et, relativement à l’état territorial existant en 1790, elle n’a reçu que quelques accroissemens sans importance dans le Limbourg. La Belgique a conservé la majeure partie du Luxembourg, province de la confédération germanique attribuée en 1815 à la maison de Nassau à titre de souveraineté particulière, en échange des quatre principautés nassauviennes cédées à la Prusse. Elle a obtenu de plus l’ancienne principauté ecclésiastique de Liège, à laquelle elle n’avait aucun droit, en partant de l’état antérieur à la révolution française. Enfin, pour prix de l’acquittement d’une portion de la dette hollandaise, la Belgique a reçu, sur le territoire et sur les eaux intérieures de la Hollande et dans ses colonies, des droits destinés à maintenir à son profit une grande partie des avantages attachés pour elle à l’établissement de l’ancien royaume des Pays-Bas.

À qui donc est demeuré le succès dans le cours de ces laborieuses négociations, interrompues par l’invasion hollandaise et l’anéantissement de presque toutes les forces militaires de la Belgique ? Quoique ce pays, brusquement surpris par l’ennemi, n’ait dû son salut qu’à l’entrée d’une armée française, décidée et accomplie en vingt-quatre heures ; quoique depuis cette funeste journée il ait vécu sous les perpétuelles menaces de la Hollande et par la protection de nos baïonnettes, a-t-il, dans la conférence de Londres, vu disparaître ses avantages dans la proportion de ses échecs ? Que l’on compare les bases de séparation des 20 et 27 janvier 1831 acceptées sans observations par M. Laffitte et le traité du 15 novembre 1831 négocié sous l’administration de M. Casimir Périer, et l’on verra tout ce que la Belgique avait gagné, malgré les malheurs de ses armes et les imprudences de sa tribune, par le persistant patronage du pouvoir énergique et réparateur qui rassurait l’Europe depuis la date du 13 mars. Accuser de timidité le gouvernement qui, au mois d’août 1831, lançait une armée en Belgique sans consulter ses alliés, et qui la renvoyait l’année suivante pour opérer le siège d’Anvers ; accuser d’impuissance le cabinet qui assura à la Belgique une situation assez favorable