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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/111

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village, les journaux ne sont pas encore au terme de leurs pérégrinations. Comme la législation accorde la transmission gratuite aux colonies des feuilles timbrées qui n’ont pas plus de huit jours de date, les courtiers reprennent ou rachètent ces journaux fatigués pour les expédier au Canada, aux Antilles ou en Australie, où s’achève leur destinée.

Les journaux anglais, par cette voie lente et détournée, pénètrent dans toutes les classes et arrivent à la portée de toutes les bourses : il ne faudrait donc pas calculer le nombre de leurs lecteurs par le nombre de leurs souscripteurs directs. On doit reconnaître cependant qu’à l’inverse de tout ce qui a lieu dans les autres pays, la grande publicité n’appartient pas en Angleterre à la presse politique quotidienne; elle est le privilège des journaux hebdomadaires à trois pence, comme le Lloyd’s Weekly Paper, qui a 50,000 abonnés, le Weekly Times, qui en a 40,000, les News of the World, qui en ont 60,000, et surtout des feuilles non politiques à 2 et à 4 sous, dont il se vend toutes les semaines plusieurs centaines de mille. Le Family Herald, qui tire à 147,000 exemplaires par semaine, et le London Journal, qui tire à 130,000, sont à la tête de ces sortes de publications. C’est là un côté curieux et peu connu de la presse anglaise qui mérite que nous nous y arrêtions quelque jour, mais dont l’étude n’entre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé.

Nous avons essayé de faire connaître l’organisation des journaux anglais, et de montrer au prix de quels efforts et de quels sacrifices ils se disputent les lecteurs. Au fond, l’idée qui anime les écrivains anglais, c’est qu’un journal est avant tout le serviteur du public, et qu’il ne mérite de vivre qu’à la condition d’être utile. Éclairer et renseigner ceux dont il a obtenu la confiance, rassembler avec exactitude et activité tout ce qui peut instruire, distraire ou servir le lecteur; porter à sa connaissance toutes les nouvelles, tous les faits, tous les documens qui peuvent le guider dans ses plaisirs ou ses affaires : tels sont les devoirs qu’un journal anglais s’impose vis-à-vis du public. Ce n’est donc point à tort que le peuple anglais aime et honore la presse, et met sa liberté au rang d’un besoin national. L’estime et l’influence qu’il lui accorde sont le prix mérité d’incontestables services,


CUCHEVAL-CLARIGNY.