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qu’une idée fort incomplète des faits. Parmi ces 250,000 propriétaires, il en est un certain nombre, 2,000 tout au plus, qui ont à eux seuls un tiers des terres et du revenu total, et, dans ces 2,000, il en est 50 qui ont des fortunes de princes. Quelques-uns des ducs anglais possèdent des provinces entières et ont des millions de revenu. Les autres membres de la pairie, les baronnets d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, les grands propriétaires qui ne font pas partie de la noblesse, s’échelonnent à leur suite. En partageant entre ces 2,000 familles 10 millions d’hectares et 500 millions de revenu, on trouve 5,000 hectares et 250,000 francs de rente par famille.

Mais plus la part de l’aristocratie est considérable, plus celle des propriétaires du second ordre se trouve réduite. Ceux-là cependant possèdent les deux tiers du sol, et jouent conséquemment dans la constitution de la propriété anglaise un rôle deux fois plus important. Leur lot moyen tombe à 80 hectares environ, et leur revenu foncier à 4,000 francs ; en appliquant à ce revenu la réduction de 20 pour 100, il n’est plus que de 3,200. Comme il y a nécessairement beaucoup d’inégalité parmi eux, on doit en conclure que les propriétés de 1,000, 2,000, 3,000 francs de rente ne sont pas aussi rares en Angleterre qu’on le croit, et c’est en effet ce qu’on trouve quand on y regarde de près.

Un autre préjugé qui repose également sur un fait vrai, mais exagéré, c’est la persuasion où l’on est généralement que la propriété foncière ne change pas de mains en Angleterre. Cependant, si la propriété y est beaucoup moins mobile que chez nous, elle est loin d’être absolument immobilisée. Ici encore c’est un fait spécial qui a été généralisé outre mesure. Certaines terres sont frappées de substitutions ou autres droits, mais le plus grand nombre est libre. Il ne faut que parcourir les immenses colonnes d’annonces des journaux quotidiens, ou entrer un moment dans un de ces offices pour les ventes des immeubles si nombreux à Londres et dans toutes les grandes villes, et on restera convaincu de ce fait, que les propriétés rurales de 50 à 500 acres, c’est-à-dire de 20 à 200 hectares, ne sont pas rares en Angleterre, qu’il s’en vend même journellement.

Dans les journaux, ces annonces sont généralement rédigées ainsi : — A vendre, une propriété de tant d’acres d’étendue louée à un fermier solide, substantial ! avec une résidence élégante et comfortable, un bon ruisseau à truites, une belle chasse, des jardins potagers et d’agrément, à proximité d’un chemin de fer et d’une ville, dans un pays pittoresque, etc. — Dans les offices, on vous montre en outre un plan de la terre et une vue peinte assez bien faite de la maison et de ses alentours. C’est toujours un joli bâtiment presque neuf, parfaitement entretenu, avec des ornemens extérieurs d’assez mauvais