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goût, mais d’une disposition intérieure simple et commode, situé au milieu d’une pelouse plus ou moins grande, avec des bouquets d’arbres à droite et à gauche, et quelques vaches qui paissent sur le premier plan. Il y a deux cent mille résidences de ce genre réparties sur la verte surface des îles britanniques.

Malgré le goût très vif des Anglais pour la possession de la terre, qui les porte tous à devenir landlords dès qu’ils le peuvent, le prix des propriétés rurales n’est pas plus élevé qu’en France proportionnellement au revenu. On achète généralement à raison de trente fois la rente, c’est-à-dire sur le pied d’environ 3 pour 100. Dès qu’un homme un peu enrichi dans les affaires a quelques milliers de livres sterling à mettre dans une maison de campagne, dix domaines d’une valeur de 100,000 francs à 1 million se disputent son choix. Dans un pays où l’hectare de terre vaut en moyenne 2,500 francs, il ne faut pas plus de 20 hectares pour constituer une propriété de 100,000 fr., il n’en faut pas plus de 300 pour faire 1 million, en y comprenant la valeur de l’habitation et de ses dépendances.

Assurément la terre est, en France, beaucoup plus divisée : tout le monde connaît le chiffre célèbre des onze millions et demi de cotes foncières qui semble indiquer le même nombre de propriétaires ; mais tout le monde doit savoir aussi maintenant, depuis les recherches de M. Passy, à quel point ce chiffre est trompeur. Non-seulement il arrive souvent qu’un seul contribuable paie plusieurs cotes, ce qui suffit déjà pour mettre une incertitude à la place d’un fait en apparence si positif ; mais les propriétés bâties des villes figurent au nombre des recensées, ce qui réduit le nombre réel des propriétés rurales à 5 ou 6 millions au plus.

Ce n’est pas tout. Le taux des cotes a bien aussi sa valeur, et de même qu’il faut écarter en Angleterre, pour connaître l’état le plus général de la propriété, ces vastes possessions de quelques grands seigneurs qui font illusion pour le reste, de même il faut en France réduire à leur rôle véritable cette multitude de petits propriétaires qui abaisse tant la moyenne. Sur onze millions et demi de cotes, cinq millions et demi sont au-dessous de 5 francs, deux millions sont de 5 à 10 francs, trois millions de 10 à 50 francs, six cent mille de 50 à 100, cinq cent mille seulement sont au-dessus de 100 fr. ; c’est dans ce demi-million que réside la propriété de la plus grande partie du sol. Les onze millions de cotes au-dessous de 100 fr. peuvent s’appliquer à un tiers environ de la surface totale, ou 18 millions d’hectares ; les deux autres tiers, ou 32 millions d’hectares, appartiennent à quatre cent mille propriétaires, déduction faite de ceux qui ne sont qu’urbains, ce qui donne une moyenne de 80 hectares par propriété.

Ainsi, en retranchant d’une part les très grandes propriétés et de