Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/1151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus que l’Angleterre, un pays de petite culture. Beaucoup de ses industries agricoles exigent un grand nombre de bras et rendent la division des exploitations nécessaire. La grande ressource du pâturage est moins généralement à notre portée. Presque partout la terre de France peut répondre au travail de l’homme, et presque partout il est avantageux à la communauté que le travail de l’homme la remue avec énergie. Je connais des parties de notre pays où la petite culture est un fléau ; j’en connais d’autres où c’est un bien inestimable, que la grande ne pourrait jamais suppléer.

Plaçons-nous au centre de la France, dans les montagnes du Limousin. Nous y trouvons un sol pauvre, granitique, un climat pluvieux et froid ; les céréales y viennent mal et ne paient pas leurs frais de culture ; toutes les cultures industrielles sont impossibles : c’est le seigle qui domine, et il ne donne que de faibles produits. Les herbes et les racines prospèrent au contraire. Les irrigations sont rendues faciles par l’abondance des sources, la qualité fécondante des eaux et les pentes du terrain : l’élève et l’engraissement des animaux peuvent se faire dans d’excellentes conditions. C’est, à peu de chose près, le sol et le climat de la plus grande partie de l’Angleterre. Tout y appelle la grande culture : malheureusement, par suite de circonstances étrangères à la question agricole, c’est la petite qui règne ; elle y est nécessairement peu productive. Les céréales épuisent le sol que ne répare pas un engrais insuffisant. La main-d’œuvre est excessive pour le résultat obtenu ; les bestiaux, mal nourris et exténués par le travail, ne donnent aucun profit ; la rente est presque nulle, le salaire misérable.

Transportons-nous, au contraire, dans les grasses plaines de la Flandre, sur les bords du Rhin, de la Garonne, de la Charente, du Rhône ; nous y retrouvons la petite culture, mais bien autrement riche et productive. Toutes les pratiques qui peuvent féconder la terre et multiplier les effets du travail y sont connues des plus petits cultivateurs et employées par eux, quelles que soient les avances qu’elles supposent. Sous leurs mains, des engrais abondans, recueillis à grands frais, renouvellent et accroissent incessamment la fertilité du sol, malgré l’activité de la production ; les races de bestiaux sont supérieures, les récoltes magnifiques. Ici c’est le froment et le maïs, là c’est le tabac, le lin, le colza, la garance, ailleurs c’est la vigne, l’olivier, le prunier, le mûrier, qui demandent, pour prodiguer leurs trésors, un peuple de travailleurs industrieux. N’est-ce pas aussi à la petite culture qu’on doit la plupart des produits maraîchers obtenus à force d’argent autour de Paris ?

On a vu que, même en Angleterre, elle n’a pas tout à fait cédé le terrain. Tout cependant paraît contribuer à la proscrire ; elle n’a pas, comme en France, le point d’appui de la petite propriété et de la division