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des capitaux ; elle a contre elle les théories des agronomes et le système général de culture. Depuis Arthur Young, elle est en baisse, et les progrès modernes de l’agriculture nationale ont été obtenus par des voies opposées. Elle persiste cependant, et tout porte à croire que, sur quelques points au moins, elle persistera. L’industrie des fromages, par exemple, s’en accommode parfaitement. C’est une industrie toute domestique : le soin de dix à douze vaches suffit pour occuper avec fruit une famille de cultivateurs qui se servent rarement de secours étrangers. Rien n’est charmant comme l’intérieur de ces humbles cottages, si propres, si bien tenus, où respirent la paix, le travail et la bonne conscience, et on aime à s’imaginer qu’ils ne sont pas menacés de périr.

Même dans les conditions les plus favorables à son développement, la grande culture a des bornes, posées par la nature même des choses. Les trop grandes fermes anglaises sont sujettes à des inconvéniens reconnus, à moins qu’elles ne soient exclusivement en pâtures. Dès que les céréales font partie de l’exploitation, les distances à parcourir par les hommes, les chevaux et les instrumens, même avec les moyens perfectionnés inventés de nos jours, deviennent des pertes notables de temps et de force. Un seul chef peut difficilement porter son attention sur tous les points à la fois. J’ai vu de ces fermes appartenant à des grands seigneurs, et conduites directement par leurs agens, qu’on appelle des fermes de réserve, home farms, et qui frappent l’imagination par leur caractère grandiose, mais où le gaspillage atteint aussi des proportions homériques. Les possesseurs attachent un orgueil héréditaire à ces gigantesques établissemens, monumens de richesse et de puissance ; mais le plus souvent ils gagneraient beaucoup à les réduire pour en louer une partie à de véritables fermiers.

Si la nécessité d’employer tous les jours un capital plus considérable à la culture, pour répondre par l’accroissement de la production à l’accroissement de la consommation, doit certainement diminuer encore le nombre des petites fermes, elle ne peut manquer d’avoir aussi pour effet de réduire l’étendue des plus grandes. On commence à parler couramment en Angleterre de 1,000 francs de capital d’exploitation par hectare, et ce n’est pas trop pour les procédés nouveaux que le progrès de l’art agricole suggère tous les jours. Or, s’il est difficile à beaucoup de cultivateurs qui exploitent par eux-mêmes de fournir une pareille somme, il ne l’est pas moins, même en Angleterre, de trouver des entrepreneurs de culture qui aient un capital de plusieurs centaines de mille francs. Il est donc probable que le nombre des grandes et des petites fermes diminuera à la fois, et que les moyennes, celles de 50 à 100 hectares, 125 à 250 acres, les plus répandues déjà, se multiplieront. Cette dimension paraît la