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Adeline Protat.

TROISIÈME PARTIE[1].


I. — les finesses d’adeline.

Pareil à ce conscrit bravement parti pour la bataille, et qui, revenu sain et sauf d’une chaude affaire, se laissait choir en défaillance en voyant tomber les balles restées dans son habit, l’apprenti du sabotier avait laissé voir une grande terreur, lorsque, revenu à lui, il avait compris à quel sérieux danger on venait de l’arracher. En rouvrant les yeux pour la première fois, Zéphyr avait aperçu penché sur lui le bonhomme Protat, épiant avec angoisse un souffle, un mouvement, un regard, qui vinssent le rassurer sur le sort de son apprenti. Le jeune garçon pensa que c’était son maître qui l’avait été chercher au fond de la rivière. Il voulut d’abord remercier Protat, et regarda avec une hésitation embarrassée celui qu’il croyait être son sauveur. Puis, ne sachant que dire sans doute, il enlaça le bonhomme par le cou et l’étreignit avec une fureur d’embrassement qui en disait plus long que les plus belles protestations. Protat fut touché par ce sauvage élan, qui trouvait la parole impuissante pour traduire le sentiment qui l’inspirait. Lui aussi voulait parler, mais sa langue était embarrassée. Il semblait craindre à la fois de dire trop ou de n’en pas dire assez. Il ne se sentait pas la conscience bien nette de cette tentative de suicide. La voix intérieure qui ne parle aux hommes que dans les circonstances solennelles, et qui leur parle impérieusement alors, lui demandait tout bas s’il avait bien réellement accompli le vœu fait

  1. Voyez les livraisons du 15 février et du 1er  mars.