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ADELINE PROTAT.

rêté ; il observa que tous les jeunes gens étaient généralement mieux mis que ne le sont les peintres pour courir la forêt : ils avaient des chaussures vernies, quelques-uns même portaient des gants.

— Quels sont ces messieurs ? demanda-t-il à Zéphyr, qui s’était tourné d’un autre côté, au passage du groupe.

— C’est les désigneux de Marlotte, qui vont prendre leur leçon avec leur maître.

Au même instant, celui que Zéphyr désignait ainsi se retournait vers la petite troupe, et Lazare put l’entendre dire à ses élèves, auxquels il montrait l’effet produit sur le paysage : — Messieurs, il est six heures ; c’est l’heure où le jaune de Naples règne dans la nature.

— Ah ! fit Lazare, je veux assister à la leçon.

— Oh ! monsieur, répondit Zéphyr en regardant le sac aux provisions d’une façon si piteuse…

— C’est vrai, dit le peintre, nous avons à déjeuner d’abord et à causer après. — Et ils continuèrent dans une direction opposée à celle que venaient de suivre les paysagistes.


IV. — la confession de zéphyr.

La place où l’on devait s’arrêter fut complaisamment abandonnée par Lazare au choix de Zéphyr. Après beaucoup d’hésitation, l’apprenti sabotier finit par découvrir un lieu qui réunissait toutes les recherches de sybaritisme désirables, telles que frais ombrages au-dessus de la tête, terrain d’une inclinaison propice à la paresse et douillettement revêtu d’un épais gazon. Quand le repas fut achevé, Lazare adressa à son compagnon un avertissement amical pour l’exhorter à se montrer confiant. Avec le langage qui devait le mieux frapper l’apprenti, l’artiste lui fit comprendre qu’en s’étant fait volontairement son allié, il avait au moins le droit d’être son confident, et que pour l’avenir il était urgent qu’il fût instruit de tout ce que sa conduite renfermait de mystérieux. — Bref, lui dit-il pour conclusion, je suis déjà intervenu entre toi et ton maître, que j’ai à mon retour trouvé si mal disposé, qu’il ne parlait pas moins que de te renvoyer de la maison. — Zéphyr devint pâle à cette révélation. — Rassure-toi, reprit Lazare ; j’ai ramené Protat à l’indulgence et à la patience. Le changement que tu as déjà remarqué dans ses manières n’est pas dû seulement à ton aventure d’hier ; mon influence y est pour quelque chose. Tu ne peux donc raisonnablement avoir aucune prévention contre moi, qui ne t’ai donné que des preuves d’intérêt. Hier encore, continua l’artiste en montrant à l’apprenti le paquet qui renfermait le fac simile des souvenirs d’Adeline, quand j’ai trouvé ces objets sur toi, je me suis empressé de les cacher pour qu’ils ne