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mathématique. Les Newton, les d’Alembert, les Lagrange, les Laplace sont partis des lois établies par la méthode précédente, et dans leurs calculs transcendans ils ont embrassé l’état passé, présent et futur du monde, pesé la stabilité de son organisation, reconnu les actions mutuelles de tous les corps célestes, déterminé leurs formes, et enfin prédit leur avenir, toujours vérifié jusqu’ici par l’observation directe. Quant aux brillans résultats de ces hautes spéculations par rapport au but que la puissance créatrice paraît avoir voulu atteindre dans le balancement de toutes les causes de perturbation qui agissent sans cesse dans notre système solaire, rien ne peut surpasser métaphysiquement, aussi bien que mathématiquement, ces chefs-d’œuvre de l’esprit humain, aussi accessibles à l’intelligence de celui qui en lit l’exposition qu’ils étaient pour ainsi dire introuvables pour tout autre que le génie mathématique qui les a tirés des mystères de la nature.

À ce point de vue, les conquêtes de l’astronomie mathématique la plus transcendante rentrent dans le domaine de la science d’exposition pure et simple, que j’appellerai astronomie descriptive ; celle-ci est la seule qui puisse être mise sous les yeux des gens du monde, et quand Ptolémée, à la fin d’une longue vie consacrée à la science des astres, grava dans le temple de Sérapis, à Canope, les principaux résultats de ses longues recherches, il énonça descriptivement les élémens du système du monde. Si, pour les esprits orgueilleux, la science perd de son prix en devenant accessible à tous par le sacrifice qu’elle fait de ses théories transcendantes, la considération d’utilité publique, actuellement si bien appréciée, doit encourager, ou, si l’on veut, excuser ceux qui visent à une exposition élémentaire des vérités scientifiques. Aux mécontens qui demandent l’impossible, c’est-à-dire d’étudier à fond, sans le secours des mathématiques, la science la plus mathématique de toutes, il faut dire comme Euclide au tyran de Syracuse : Étudiez les théories comme elles sont ; il n’y a point ici de chemin privilégié pour les rois !

Quelques assertions, quelques idées émises par nous dans cette Revue[1] ont suscité des questions importantes à traiter, — et d’abord la coopération des amateurs d’astronomie aux progrès de la science. Plus tard peut-être nous traiterons avec détail ce sujet si fécond en belles conséquences. Contentons-nous ici de quelques indications rapides. Voici donc les observations qu’on peut recommander à la curiosité des amateurs : — vérifier à l’œil nu le nombre des étoiles visibles et leur éclat relatif, — bien établir la couleur de celles qui ne sont pas blanches, — observer les étoiles variables d’éclat et leur période de variation, — découvrir de nouvelles étoiles variables par des comparaisons suivies, — faire les mêmes observations avec une petite lorgnette d’opéra grossissant deux ou trois fois, — faire la même revue avec une bonne lunette de voyage comme celle que nous avons décrite dans un premier article sur l’astronomie, — observer la scintillation d’après la théorie de M. Arago dans les diverses circonstances atmosphériques, — voir l’influence de l’illumination du ciel, — trouver les comètes dans les localités où le ciel est très pur, en

  1. Livraison du 15 janvier. — La première occultation de l’étoile du Scorpion, que nous annoncions dans cette livraison, aura lieu dans la nuit du 28 au 29 mars, de minuit 44 minutes à une heure 50 minutes, temps de Paris.