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public. Qu’importent les ratures, puisque nous avons la page mise au net? Les œuvres qui durent s’achèvent lentement. C’est une nécessité que les artistes ne méconnaissent guère sans s’exposer à l’oubli. M. Périn, dont la persévérance même révèle toute la modestie, a pris le moyen le plus sûr de résister aux injures du temps : il s’est défié de lui-même, et n’a rien livré aux hasards de la fantaisie. Aussi le public récompense son labeur par une respectueuse sympathie, et parmi les hommes du métier, ceux mêmes qui ne partagent pas les doctrines de l’auteur, ceux qui préfèrent Venise et Anvers à Rome et à Florence, ne peuvent se lasser d’admirer la coupole et les pendentifs de cette chapelle. Ils regrettent que le coloris n’ait pas plus d’éclat, mais ils sont obligés de s’incliner devant la grandeur du style, devant l’harmonie et la simplicité qui recommandent toutes ces compositions.

Par la ferveur, par la persévérance, M. Périn appartient au passé; par son respect constant pour les progrès de la science, il se place au premier rang de ses contemporains. Comme la mode n’est pour rien dans les nombreux suffrages qu’il a recueillis, je ne crois pas que la mode entame la valeur de son nom. Il vient d’achever une œuvre de conscience, et de telles œuvres sont traitées avec déférence par les artistes même qui n’oseraient les entreprendre. J’ai la ferme confiance que dans dix ans, dans vingt ans, la chapelle de l’Eucharistie ne sera pas étudiée avec moins de sympathie qu’elle ne l’est aujourd’hui. Bien des peintures plus séduisantes au premier aspect, qu’on applaudit comme des prodiges d’habileté, seront alors oubliées depuis long-temps. Les prôneurs les plus empressés s’étonneront de leur engouement, et peut-être même ne s’en souviendront plus. La chapelle de l’Eucharistie, traitée dans un style sobre et contenu, qui n’attire pas le regard par le prestige de la couleur, mais qui offre aux yeux une combinaison harmonieuse de tons fins et vrais, gardera toute sa valeur, parce que l’approbation ainsi conquise n’est pas sujette à repentir.

M. Périn a complété le développement de sa pensée en peignant sur les quatre pieds-droits de la chapelle des sujets purement humains qui se distinguent nettement des compositions précédentes. Il y a dans toute cette série de scènes chrétiennes une simplicité naïve qui étonne bien des spectateurs. Pour les juges peu éclairés, c’est une suite de tableaux de genre. Telle n’est pas la pensée des artistes qui ont pris la peine de pénétrer le dessein de l’auteur. La simplicité n’exclut pas l’élévation. Si le doute était permis, il suffirait pour le résoudre de contempler les pieds-droits de la nouvelle chapelle. Au-dessous de la Naissance du Christ, c’est-à-dire au-dessous du pendentif de l’Espérance, nous retrouvons l’expression de cette vertu sous quatre formes diverses. Une mère au pied d’un crucifix apprend à son fils à espérer et à se résigner; un prisonnier garrotté voit la liberté