Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’église au lieu de s’en tenir au texte même de l’Evangile. Or les pères de l’église, excellens à consulter dans les questions théologiques, ne sont d’aucun secours lorsqu’il s’agit de représenter un épisode du Nouveau-Testament. Les explications qu’ils prodiguent n’ajoutent rien à l’évidence du fait, et la peinture ne peut tirer aucun profit de ces commentaires, quelque lumineux qu’ils soient. Heureusement la plupart des compositions qui décorent la chapelle de l’Eucharistie échappent à ce reproche. Si l’obscurité s’y rencontre, c’est comme un défaut accidentel.

Ainsi les deux objections principales que j’ai notées ne résistent pas à la discussion. La sobriété de la couleur n’est pas un signe de faiblesse, mais une preuve de sagacité. Les ornemens ingénieux distribués par l’auteur sous les voussures attestent qu’il possède le sentiment de la couleur. Si dans la peinture des figures il a réagi contre son instinct, loin de le blâmer, nous devons lui en savoir gré. Quant au caractère mystique, dont l’esprit de notre temps ne s’accommoderait pas, si l’argument était vrai, il n’entamerait pas la valeur de cette chapelle, car dans ce cas l’auteur se serait trouvé obligé de choisir entre deux partis : omettre le côté surnaturel de son sujet pour se plier au goût de son temps, ou respecter toutes les conditions de la donnée acceptée, sans tenir compte des idées qui règnent aujourd’hui. La question ainsi posée ne me semble pas difficile à résoudre. M. Périn a-t-il trop compté sur le bon sens public? Je ne le crois pas. Il a eu raison de mettre la nature même de son sujet au-dessus des caprices de la mode. Si, tandis que les archaïstes essaient de nous reporter au de la de Fra-Angelico, au de la même de Giotto, jusqu’à Cimabue, jusqu’à Giunta, jusqu’aux Byzantins, et que des esprits non moins étourdis voient dans Rubens et dans Paul Véronèse les seuls modèles dignes d’étude, — il a choisi pour guides les grands maîtres du XVe siècle, s’il s’est efforcé de concilier l’expression de la foi avec la beauté de la forme, pouvons-nous sans folie lui jeter la pierre? Il a négligé la mode pour chercher l’idéal, c’est-à-dire qu’il est demeuré fidèle à la mission suprême de son art.

Il serait à désirer que le succès obtenu par M. Périn décidât le conseil municipal de Paris à multiplier les peintures murales dans nos églises, car il n’y a pas de travaux qui développent plus sûrement le talent d’un peintre préparé à cette épreuve par des études sérieuses. Il n’y a pas de sujets plus difficiles à traiter que les sujets religieux, et cela se conçoit sans peine. Pris en eux-mêmes, abstraction faite des précédens, ils offrent à résoudre un double problème, l’expression des sentimens les plus élevés et la représentation de la forme humaine dans les meilleures conditions, c’est-à-dire nue ou traduite par quelques draperies largement disposées; et comme ils