Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les murailles de Saint-Merry de véritables caricatures. Comment et pourquoi M. Lépaulle a-t-il été chargé de travestir et d’enluminer Saint-Vincent-de-Paul? Le devine qui pourra. Quant à moi, j’y renonce; mais il importe au développement de la peinture qu’une bévue aussi grossière ne se renouvelle pas. On peut à la rigueur reléguer un mauvais tableau dans une cave ou dans un grenier : que faire d’une chapelle barbouillée en dépit du goût et du bon sens? Il faudrait la gratter, et souvent la fabrique n’y consent pas, car il peut se trouver parmi les fabriciens des esprits forts qui aiment la peinture de M. Lépaulle.

Les peintures murales de nos églises ne devraient être confiées qu’à des hommes qui auraient déjà donné des gages. Je n’entends pas exclure ceux qui entrent dans la carrière, pourvu qu’ils aient montré ce qu’ils peuvent faire. Ce n’est pas tout. Il ne faudrait pas abandonner aux paroisses le choix des sujets, car elles sont trop souvent disposées à s’exagérer la valeur des faits les plus obscurs, dès que ces faits se sont accomplis dans un rayon donné. Dans ce cas, il arrive aux plus habiles de s’acharner inutilement contre un sujet ingrat. Tous les saints du calendrier ne fournissent pas des sujets de tableau, et malheureusement ceux qui distribuent les travaux, dans les bureaux de la ville, paraissent animés d’une conviction contraire. Ils mettent volontiers Godescard sur la même ligne que l’Ancien et le Nouveau Testament. Tout patron de paroisse a droit aux honneurs de la peinture. Tant que l’autorité municipale ne suivra pas d’autres erremens, elle courra le risque de gaspiller la moitié des fonds qu’elle consacre à la décoration de nos églises. Et non-seulement il est puéril d’obliger le pinceau à s’exercer sur des sujets ingrats, mais il est dangereux d’émietter en parcelles trop nombreuses les travaux d’un même monument. Je ne demande pas qu’on fasse pour toutes les églises ce qu’on a fait pour Saint-Germain-des-Prés : un tel parti serait souvent d’une application difficile; et voyez pourtant comme M. Flandrin a dignement récompensé la confiance du conseil municipal ! Croyez-vous que ses peintures derrière le maître-autel seraient d’un aussi bel effet, si une autre main eût été chargée de décorer le chœur? Je souhaite sans l’espérer qu’il s’accommode du voisinage de M. Picot à Saint-Vincent-de-Paul; mais, sans confier à un seul homme la décoration d’une église entière, il est toujours permis d’assortir les artistes qu’on veut associer pour l’accomplissement de cette tâche. Or le conseil municipal ne tient pas compte de cette donnée : il réunit pêle-mêle les talens qui ne sont unis entre eux par aucun lien de parenté lointaine ou prochaine. Ainsi, par exemple, à Notre-Dame-de-Lorette, M. Blondel fait pendant à Roger, c’est-à-dire qu’un praticien vulgaire, qui de sa vie n’a conçu une composition religieuse,