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personnages que nous venons de nommer, est moins un morceau d’ensemble proprement dit qu’un air de soprano avec accompagnement de voix. C’est rapide et conduit avec esprit. La romance de ténor que l’inconnu Fredericci chante. derrière la coulisse, et qui se termine par une coda à deux voix, n’a-t-elle pas quelque analogie avec la jolie sérénade de l’Amant jaloux de Grétry? L’air de basse dans lequel Marco Spada exprime à sa fille toute la tendresse qu’il ressent pour elle, renferme une première partie, un adagio sostenuto, que M. Bataille chante avec goût. Dans l’allégro, où l’on remarque une forte réminiscence des formes rossiniennes, M. Bataille ajoute un point d’orgue de sa façon peut-être, qui achève de donner à ce morceau tout le piquant d’un lieu commun. Le duo pour basse et soprano entre Marco Spada et sa fille est encore écrit dans un style tout italien, et le finale du premier acte n’est pas autrement remarquable, si ce n’est qu’il se termine par de jolies vocalises pour deux voix de soprano accompagnées en accords plaqués-par la masse chorale. Les couplets du second acte :

Vous pouvez soupirer,
Vous pouvez espérer,

que la marchesa laisse échapper de ses lèvres moqueuses, et qui exhalent toute la morbidezza de la coquetterie féminine, sont délicieux, et Mlle Favel les dit avec esprit. L’entrée des invités au bal du gouverneur est annoncée par un fort joli chœur qui est répété lorsque la noble compagnie quitte la scène pour aller souper. Dans l’intervalle, et pendant que le gouverneur est renfermé dans son cabinet, où il reçoit l’avis important que Marco Spada est au nombre de ses convives, — les dames et les seigneurs réunis, n’ayant rien de mieux à faire, prient la fille du baron de Torrida de vouloir bien chanter quelque chose. C’est alors que Mlle Duprez chante une déclaration d’amour en quatre langues, en russe, en anglais, en italien et en français, sorte de proverbe que la jeune actrice joue avec beaucoup d’esprit et dont elle aura probablement suggéré l’idée. La prière du moine, qui vient quêter pour son couvent en servant la politique du gouverneur, est d’un bon caractère, ainsi que l’air de basse que chante Marco Spada pendant que sa fille Angela s’est évanouie en apprenant pour la première fois le véritable nom de celui qui lui a donné le jour. Le trio sans accompagnement entre Marco Spada, sa fille et le comte Fredericci est un morceau très difficile, ingénieusement agencé, et qui conviendrait mieux à un concert d’instrumens à vent qu’à la peinture d’une situation dramatique. Au troisième acte, on peut encore signaler un bel air de soprano dont l’andante surtout est remarquable, mais dont l’allégro exige de Mlle Duprez des efforts au moins imprudens, et puis un charmant trio pour soprano, ténor et basse.

L’opéra de Marco Spada, sans contenir rien d’entièrement nouveau, est une production agréable qui n’est pas indigne du charmant et délicieux compositeur qui depuis trente ans amuse la France. La romance de soprano, l’air de basse du premier acte, les jolis couplets que chante Mlle Favel au commencement du second acte, la déclaration d’amour en quatre langues, le trio sans accompagnement et l’air de basse dans lequel Marco Spada implore le pardon de sa fille, l’air de soprano et le trio du troisième acte.