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se fût arrêté à la Dame Blanche, il n’aurait pas écrit les Deux Nuits, dont la mésaventure a dû attrister ses derniers jours.

Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours,


a dit admirablement Voltaire, qui n’a eu garde d’oublier ce sage précepte dicté par la nature. M. Auber a suffisamment travaillé pour sa gloire; qu’il se repose et qu’il jouisse en paix de la position éminente qu’il s’est acquise et que personne ne lui conteste. Un ouvrage de plus n’ajoutera rien à sa réputation et pourrait troubler le plaisir que vient de nous procurer le dernier écho d’une muse qui restera chère à la France.

Le Théâtre-Lyrique vient aussi d’obtenir un succès qu’il cherchait depuis assez longtemps. Tabarin, opéra-comique en deux actes, a réussi malgré les longueurs, les invraisemblances et les lieux communs dont la pièce est remplie. La musique en est vive, claire, distinguée et toujours en situation, si ce n’est très originale. Nous y avons remarqué une agréable ouverture écrite avec soin, et qui rappelle la manière de M. Auber, les couplets en style syllabique, je suis Tabarin, qui ont du mordant; un joli quatuor chanté pendant la scène de la prédiction, et qui gagnerait à être moins long; un trio entre Tabarin, Francisquine, sa fiancée, et petit Pierre, trio dont la première partie à deux voix a beaucoup de grâce. La fin de ce morceau se prolonge trop en récits dialogues qui manquent d’intérêt. L’allégro du duo entre Tabarin et Francisquine, devenue sa femme, est bien rhythmé, ainsi que les couplets Cent écus que chante le cabaretier Pansarot, et qui ont été redemandés par le public. Nous pourrions encore signaler la scène où Tabarin raconte au public du pont-Neuf sa mésaventure matrimoniale, scène qui produirait de l’effet, si elle était bien rendue, et puis de très jolis chœurs. En somme, Tabarin, sans être une œuvre bien originale, est la meilleure partition qui ait été exécutée au Théâtre-Lyrique depuis la Perle du Brésil de M. Félicien David. On voit que l’auteur procède de l’école italienne tempérée par l’esprit et les allures de M. Auber, et on est heureux de constater un succès qui va trouver un musicien de mérite, un artiste modeste et un honnête homme, M. George Bousquet.

A l’Opéra, où les nouveautés sont encore plus rares que les beaux jours, on vient de représenter un ballet en deux actes, Orfa, pour la rentrée de Mme Cerrito. La scène se passe en Islande, au milieu de la sombre mythologie Scandinave. Orfa, une jeune Islandaise, voudrait épouser Lodbrog, chasseur intrépide qui est déjà son fiancé; mais, au moment de conclure l’hyménée, le tonnerre se fait entendre et semble annoncer que ce mariage est contrarié par une puissance supérieure. En effet, Loki, le dieu du feu, enlève Orfa et la transporte dans le cratère du mont Hécla, siège de son empire. Odin, le dieu qui règne au Walhalla, vient délivrer Orfa, qui épouse enfin son fiancé Lodbrog. Ce ballet, qui ne brille pas précisément par l’invention ni par l’intérêt, a le mérite d’être court et d’offrir le prétexte à quelques beaux décors, Celui du second acte, qui représente l’intérieur du mont Hécla, est assez beau. La musique, fort commune, est de M. Adolphe Adam, qui n’a pu trouver un seul motif original pour aider la charmante Mme Cerrito à bondir sur la scène. La