Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Petit trompette. M. Wegener, suivant les armées, pénétrait dans chaque place ennemie, et trouvait dans chacune des archives la matière de quelque factum d’une logique pressante qui, après la bataille, éclatait au milieu des Augustenbourg et complétait leur déroute. M. Worsaae crut que l’archéologie avait aussi son rôle à remplir dans l’œuvre commune; il rappela la glorieuse histoire de ce rempart national, le Danevirke, élevé par des mains danoises contre les attaques de Charlemagne, un peu au nord de l’Eyder, et limite constante, malgré les prétentions allemandes de 1848, des deux nationalités germanique et scandinave <ref'>'Danevirke, der alte Grœnzwall Dœnemarks gegen Süiden, aus dem dœnischen üiibersetzt: Kopenhagen, in-8o, 1848, avec carte. </ref>. Les Danois du XIXe siècle avaient le droit de faire respecter la frontière que n’avait pu franchir la conquête romaine elle-même,

Eidora romani terminus imperii.

Avec le Danevirke, M. Worsaae célébra aussi, en retraçant minutieusement son histoire, l’étendard sacré, le Danebrog, qui tomba du ciel au milieu de la bataille de Wolmar, et apporta aux Danois ébranlés un secours divin qui ramena la victoire[1]. L’archéologue a développé avec une érudition complaisante cette monographie qu’un chant devenu national a résumée et gravée dans les souvenirs du peuple : « Flotte fièrement sur la Baltique, Danebrog rouge comme le sang!... Ta croix blanche a porté jusqu’aux cieux le nom du Danemark... Frémis vaillamment au bruit du combat, frémis en l’honneur d’Juul (c’est le fameux amiral danois); chante le brave Tordenskjold et, par le devant les étoiles du courageux Hvitfeld... mais pas un héros n’efface ton grand Christian IV... »

La lutte est finie dans le Nord; elle s’est terminée à la gloire du peuple danois; grâce à elle, non-seulement il a revendiqué dignement sa nationalité, mais, en étudiant de nouveau son histoire, il a conçu un orgueil légitime pour les graves destinées qu’ont accomplies dans le passé les races scandinaves et pour le grand rôle qui leur a été assigné dans les origines et la formation de l’Europe moderne. Il a donc chargé ses archéologues et ses historiens de rechercher avec soin toutes les traces de la civilisation scandinave et de l’influence qu’elle a exercée sur les autres peuples de l’Europe. C’est pour accomplir cette mission que l’habile antiquaire M. Thomsen a fondé les deux beaux musées ethnographique et Scandinave que les gens du peuple de Copenhague visitent et admirent autant que les étrangers, et c’est aussi pour contribuer à cette tâche patriotique que M. Worsaae a publié, après d’autres écrits moins importans, mais tous curieux[2], un livre intitulé les Danois et les Norvégiens en Angleterre, en Écosse et en Irlande[3]. Cet ouvrage a paru cette année

  1. Om Danebrog, af J. J. A. Worsaae. Kjœb, in-8o 1849, avec figures.
  2. Die nationale Alterthumskunde in Deutschland (De la Connaissance des Antiquités nationales en Allemagne,) in-12, Copenhague. — The Antiquities of Ireland and Denmark, in-8o, Dublin. — Dœnemarks. Vorzeit durch Alterthümer und Grabhügel beleuchtet (le Passé du Danemark éclairé par les antiquités et les tombeaux), in-8o, Copenhague, avec gravures.
  3. An Account of the Danes and Norwegians in England, Scotlandand Ireland, in-8o. Londres, 1852, avec de nombreuses gravures.