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en même temps en danois à Copenhague et en anglais à Londres. C’est une enquête scrupuleuse de tous les vestiges scandinaves conservés dans les monumens, dans les tombeaux, dans les traditions, dans la langue et les mœurs des îles britanniques, des Shetland, des Hébrides et des Fœroë. Quiconque a lu le Pirate de Walter Scott et son recueil de chants du Border écossais sait quelle empreinte particulière le contact et la domination des peuples du Nord ont laissée sur le caractère anglais. Walter Scott eût encouragé avec bonheur le jeune archéologue danois recueillant avec piété sur les inscriptions tumulaires et dans les chansons ou les récits du peuple tous les souvenirs, toutes les syllabes scandinaves. Grand archéologue lui-même par la science et surtout par le sentiment du passé, il avait commencé, on peut le voir dans les notes savantes qui accompagnent presque toutes ses œuvres, ce travail d’érudition que M. Worsaae vient d’achever avec des connaissances plus spéciales. M. Worsaae parcourt avec zèle, afin de mener à bonne fin son enquête, tous les pays de l’Europe du nord. Il recommence les courses des anciens vikings scandinaves; il voudrait reconnaître leurs sillons sur les mers qu’ils ont traversées. Après avoir visité l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande en 1846 et 1847, il est venu cette année même explorer notre Normandie, et nous attendons de lui pour l’année prochaine un livre qui ajoutera une page intéressante non-seulement à l’histoire d’une de nos plus grandes provinces, mais à celle de notre moyen âge.

A côté des antiquaires qui scrutent le passé, se rencontrent les statisticiens qui vérifient et enregistrent les faits du présent. Depuis quelques années, le Danemark s’est élevé au rang des états de l’Europe qui sont le mieux pourvus à cet endroit, et la statistique y est devenue une science bien ordonnée. Un bureau spécial de statistique a été créé auprès de l’administration centrale, et M. Bergsoe, chef de ce bureau, lui a imprimé une direction qui a déjà produit des résultats excellens. Parmi les meilleures publications de la statistique officielle, il faut signaler les Tableaux[1] dressés par ordre du gouvernement pour obtenir un compte exact des résultats qu’avait amenés en Danemark le suffrage universel en 1849 et 1850. Ces tableaux offrent un singulier spectacle, qui doit être une leçon, en montrant par diverses colonnes que les électeurs les plus jeunes et les moins instruits votaient constamment et avec ensemble pour ceux des candidats qui offraient le moins de garanties politiques et morales, et qu’ils étaient en majorité. Il serait certainement curieux et utile qu’un pareil travail, divisé selon les âges et les professions, fût dressé pour la France; il intéresserait toute l’Europe et serait du moins une pièce importante pour qui veut étudier sérieusement l’expérience du suffrage universel. Doué d’une rare activité, M. Bergsoe, en dehors de ces travaux minutieux et difficiles à diriger, a conduit cette année même à bonne fin sa grande Statistique du Danemark[2], ouvrage consciencieux, judicieusement mêlé d’exposés historiques nets, précis, intéressans, et d’aperçus économiques tout à fait dignes de la science moderne.

Telle est la vigueur du génie danois. Il apporte dans l’archéologie et la

  1. Statistik Tabelvœrk, in-4o.
  2. Den Danske Stats Statistik, in-8o, 4 vol, 1846-52.